Nous aurions dû venir en février. Et puis, la vie étant ce qu’elle est, capricieuse et joueuse, j’ai effacé la croix sur le calendrier et j’en ai griffonné une autre : du 15 au 21 avril. Après, j’ai compté les jours.
Bonjour,
Je suis Nathalie LONGEVIAL, romancière, éditrice externe et coach en écriture. Bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”.
Il y a des endroits sur terre où l’on se sent apaisée. Moi, c’est ici. Dans une crique espagnole, vide la majeure partie de l’année, et bondée pendant soixante jours. C’est là, dans une minuscule maison accrochée à la falaise que j’ai posé l’ancre.
La première fois que j’y suis entrée, je me suis approchée de la balustrade, et j’ai respiré. Je le faisais depuis plus de cinquante ans, mais il y avait ce jour-là quelque chose en plus. Je n’en ai pas eu conscience sur le moment. Ce n’est que plusieurs jours après, quand mon gendre m’a montré la photo qu’il avait prise et qu’il a dit “je savais que c’était la bonne à cause de ça”, que j’ai compris : j’avais enlevé mes chaussures et le nez au vent j’admirais le paysage. J’ai retrouvé ici ce que j’avais perdu en quittant mon ancienne maison. J’avais retrouvé l’horizon. Il y a quelque chose de reposant à pouvoir le fixer sans que le regard bute sur un immeuble ou le toit d’une maison.
Il y a entre les murs de cette maison que nous ne connaissons que si peu finalement, le souvenir de nos anciens étés passés à un jet de pierres, les fantômes de nos soirées, les longues siestes écrasées de chaleur, il y a la mer argentée en contrebas, et le sommeil qui me fracasse, car Insomnia* ne connait pas le chemin pour venir jusqu’ici. Il y a le vent qui chante dans les coursives la nuit et les pins qui se balancent devant la fenêtre. Il y a le parfum des citrons et le silence des paquebots qui croisent à quelques miles. Il y a la somme de nos espoirs et une route bien trop longue pour y arriver. Il y a des levers de soleil à tomber à la renverse et des ciels gris à la Dali qui dégoulinent dans la mer.
Il reste dans les coins des moments de nos vies passées : un ventre rond, des pinceaux colorés, des clichés éparpillés, du jambon au bout des doigts, des olives vertes aux anchois dans un ramequin tacheté, de la pastèque qui coule sur les avants-bras, du fromage grignoté à toute heure, l’odeur des légumes grillés, les glaçons qui se répandent dans les verres de sangria, nos karaoké bruyants et une bouteille d’huile de monoï. Il y a aussi, le squelette des bouquets de noël, une branche d’olivier racornie et des bougies dégoulinantes. Des souvenirs qui présagent d’autres moments à venir parce qu’un jour, il y aura d’autres ventres ronds, des petits doigts sur les carreaux, des “attention à l’escalier”, des anniversaires, des plats cuisinés à plusieurs mains, des cafés pris sur la terrasse et des conversations étouffées par la nuit qui tombe.
J’ai longtemps cherché à comprendre ce qui m’attache ici sans le trouver vraiment. Rien ne semble suffisant. J’ai un attachement aux maisons assez viscéral, mais pourquoi celle-ci et pas une autre ?
Quand je franchis le pas de sa porte, je la salue et elle frétille comme un bon gros chien qui m’aurait attendue tout ce temps. Alors, j’enlève mes chaussures et je regarde l’horizon.
Je vous embrasse depuis là-bas,
Nathalie
Les endroits qui réparent les copines :
Anne-Laure : Le lieu qui répare est réconcilie, c'est la plage près de la tienne, de l'autre côté de la frontière: la ligne d'horizon montagneuse qui se jette dans la mer, le ressac incessant, le sable qui a connu les pas de ceux que j'aime et ne sont plus, la promesse de retrouvailles, la certitude des souvenirs, les soirs de grand vent, et le soleil levant qui enflamme l'eau salée.
Cécilia : Les endroits qui me réparent : la plage et entendre le ressac, auprès d’une rivière (l’eau qui coule si apaisante), circuler idéalement en deux roues dans des tunnels de platanes, être en forêt et écouter le bruissement des feuilles doucement agitées par une brise légère.
N’importe où devant une bonne table avec mes essentiels, mon mari, mes filles, l’amoureux de ma fille aînée, mon chien 🐕
Céline : Admirer le coucher de soleil sur Biarritz avec la Villa Belza en fond me répare, regarder les biches dans mon jardin , marcher dans l eau aussi ...
Isabelle : Une île
Claude : Ce qui me répare c'est aller à Montbarbat où j'ai passé ma petite enfance, et le bois des Vèdres même si les sangliers 🐗 y sont installés. J'aime les arbres les voir, les toucher, les enlacer, entendre le vent dans les branches, les oiseaux des bois chanter,le calme, le silence, tout m'apaise.
Corinne : Ma Bretagne(où je ne suis pas née et où je n’ai jamais habité pourtant !)
Isabelle : Les endroits qui me réparent sont ceux où mes yeux peuvent s'échapper au loin à l'horizon ,un banc face à l'océan, un passage au port de Venasque quand le massif de la Maladetta s'offre à nous, sur un vaporeto qui file dans la lagune vers Torcello, et à l'immensité d'un ciel plein d'étoiles 💫
Cathy : La Corse, mon île d'adoption, ses parfums, le bruit du ressac, mais aussi la Dordogne qui abrite mes souvenirs d'enfance et mes racines.
Liloux : Moi c'est la mer qui me répare, elle a un pouvoir apaisant 😍❤️
Parce qu’elle est à toi, parce que tu y a mis déjà bon nombres de souvenirs ❤️
C’est mon projet comme dit l’autre ! Sinon ma Sheherazade, quelle talent puissant d’évocation tu as ! Je ne sais plus comment étaient mes vendredi avant ! Bravo 👍