Faisions connaissance (ter)
Certains ont lu cette newsletter, d'autres pas, cette tentative est la dernière, si ça ne fonctionne pas, vous ne retrouverez plus ici.
2015. Un mal être me croque. Je ne sais rien de lui et, aucun médecin ne m'a encore diagnostiqué de burn-out ni ne le fera jamais. À part mon père. Mais peut-on croire un papa qui vous dit que vous allez mal ? Et puis, les chefs d'entreprise sont-ils légitimes à en souffrir ? Ou est-ce un mal qui n'atteint que les salariés, les cadres des start-up ou des multinationales ? Depuis quelque temps, pourtant, je sens que quelque chose ne va pas. Je dors encore moins qu'avant. Des cernes squattent mes joues. Je me lève le matin avec une boule dans le ventre, les migraines me tourmentent et le mal de dos m'empêche de bouger. Mon épaule droite a déclaré son indépendance et n'en fait qu'à sa tête, c'est-à-dire pas grand chose et mes oreilles bourdonnent. La nuit, je me réveille en claquant des dents. Je n'ai pas ri depuis une éternité. Ça fait comment de rire ?
2016. Je lis beaucoup de choses sur le burn-out et ce n'est pas ce que j'ai. Non, moi, j'arrive à me lever, à me doucher, à aller au bureau, à faire “comme si” devant plein de gens. Même si je ferme systématiquement la porte de mon bureau qui auparavant était tout le temps ouverte, même si je suis incapable de pleurer, je n'y vois aucun signal. Pourtant au bout de l’année, nous prenons LA décision : on arrête et on vend notre chaîne de 15 salons de coiffure. On va se réinventer. On a des choses à sauver. "Nous" par exemple. Lui, il veut continuer et je le laisse faire, mais je vais changer de vie, ça va être facile, tu vas voir. Et tu vas faire quoi ? Je vais écrire et déménager. Sans doute dans un ordre différent, genre déménager et écrire, mais je veux essayer. Je mets 250 kilomètres entre la moi d'avant, souffreteuse et triste et celle que je veux être et qui bien entendu sera gaie, enjouée et remplie de projets. Je refuse de montrer un autre modèle de femme à mes filles, même si je sais qu'il faut parfois en passer par là pour grandir. Les premiers mois sont pires que tout. Mauvaise idée de tout larguer en plein burn-out ... Je ne dors pas mieux, mais je n'ai plus mal au dos. Faut dire qu'on a acheté un nouveau lit. Je n'arrive pas à écrire. J'y mets trop d'intention, et n'arrive pas à relativiser, alors, je me balade dans Bayonne. Je joue à la touriste mais bizarrement quand je passe devant les salons de coiffure, la nausée me prend et je dois lutter pour ne pas qu'elle s'échappe d’entre mes lèvres. Quand j'en croise un en particulier, tout près des halles, je baisse les yeux et fixe mes chaussures. Je l'éviterai consciencieusement pendant deux ans, parce qu'il me fera le même effet à chaque fois : comme si une main me broyait l’œsophage. J'ai commencé à écrire. J'ai pris un coach avec lequel je ne m'entends pas du tout. C'est mal barré.
2017. Je termine mon premier roman. Parce que la vie ne suffit pas. Je suis pleine d'espoir. Le coach que je n'aime pas prétend que c'est un très bon roman, mais que, à moins de connaitre des gens dans le monde de l'édition, je n'arriverai pas à le faire publier. Je le connais, lui, mais apparemment ce n'est pas suffisant.Je suis incorrigible et remplie d'espoir : ça va le faire. Je vais trouver une maison d'édition et faire de ce roman un best-seller. On ne peut toujours pas me parler de coiffure sans que je ressente une vague d'effroi froisser mon ventre. Je laisse le blanc envahir mes cheveux et tant qu'à faire, je les laisse pousser.
2018. Aucune Maison d’Édition n'a souhaité éditer mon roman. Le coach que je n'aimais pas avait raison. Alors, je l'autoédite, la trouille au ventre. Pour que ça fonctionne, il faut avoir un réseau et je n'en ai pas. Très vite, je comprends que réseauter c'est un métier et je n'en connais pas les ficelles. Il faut aussi communiquer et je ne suis pas très douée . Je vends le livre à ma famille et quelques amis. À deux ou trois personnes, peut-être sur un malentendu. Il a de bons retours mais les ventes ne décollent pas. Il fait partie des finalistes du Prix des Étoiles- Librinova. Bien sûr, il ne gagne pas, mais j'affronte des moments bien plus compliqués que ceux-là, parce que, Papa a un cancer.
2019. Papa n'a plus de cancer parce que papa n'est plus là. Comme chaque fois que quelque chose me tourmente, j'écris à son sujet et ce sont 150 pages qui jaillissent de mon clavier. Une sorte de journal qui parle avant tout de la vie et de l'importance à dire "je t'aime" à ceux que l'on aime. Semer des graminées nait. 150 pages c'est peu, sans doute pas assez, alors je l'auto édite lui aussi. Les “vrais” écrivains prétendent qu'ils ne pourraient jamais auto éditer parce qu'ils ne sauraient pas faire. Moi non plus je ne sais pas, mais je n’ai pas le choix parce que je veux partager mes histoires, et celle-là me tient à cœur. Je l'auto édite pour qu'elle existe, je l'auto édite parce qu'elle ne rentre dans aucune case, parce que je n'ai pas envie de modifier une seule virgule ni un seul mot à mon texte. Par défaut aussi et puis parce que je rêve toujours que mes livres seront des best-sellers. J’étouffe mon égo qui voudrait de la reconnaissance de la part de ses pairs. Cher égo, on verra plus tard. Les retours pour ce livre sont immédiats. Inespérés. Dithyrambiques. Alors j'espère. Et j'attends. Je ne sais faire que ça.
2020. Nous sommes retournés au Vietnam et depuis notre retour d'Hanoï, l’idée d'écrire un roman avec les textes issus de mon blog Vent fort, Mère agitée, (blog sur la procédure d’adoption que nous avions initiée) et qui était paru sous forme de petit livre jaune en 2012, ne me quitte pas et le roman intitulé Les Mèreveilleuses voit le jour. Je l'envoie à des ME, mais sans aucun retour. J'en ai pris mon parti, il parait que je n'écris que sur des sujets de niche, qui ne parlent à personne : l'écriture, la mort et l'adoption. “Et puis quoi encore, tu voudrais pas écrire sur le Bitcoin aussi ?” me dit mon fils ainé en se marrant. En mars 2020, au moment où le confinement se profile mon mari me demande : "Tu pourrais pas écrire un bon feel-good ? Ou un policier ?" Je crois qu’il craint de passer plusieurs mois enfermé avec une auteure inconnue et déprimée. Alors, je m'y mets. Dans mon lit. Je commence une histoire de papillons dans le ventre qui raconte l’amour au long cours. Puis, j'auto-édite Les Mèreveilleuses qui sort en mai 2020. En pleine pandémie. Je n'ai pas un sens du timing très affuté. Pendant une visite chez Dali à Cadaquès, je suis contactée par une ME qui adore ce roman et cette histoire de fil rouge. "C'est pas courant un roman sur l'adoption. Il a fait l'unanimité du comité de lecture. Cinq personnes l’ont aimé, c'est vraiment bien !" me dit-on. Ils veulent le publier en décembre. Whaow ! Je n'en reviens pas. Alors, ça arrive ? Un jour on dit "mon éditrice" ? Mon histoire de papillons dort tranquillement dans un tiroir de mon bureau. C'est la fin de l'été, je me remets à écrire. Parfois je me fais penser à une serial writer. Le nouveau livre est une histoire d'amour sur fond de guerre d'Espagne. Je n'y connais rien en guerre d'Espagne alors je lis des dizaines d'ouvrages. Je dessine des frises chronologiques, je regarde des films et des photos couleur sépia. J'avance et je recule.
2021. Après m'être fait gronder par ma fille ainée parce que je ne l'avais pas fait plus tôt, le 6 janvier j'envoie mon manuscrit sur les papillons dans le ventre aux ME. Le même jour, j'attends toujours que Les Mèreveilleuses soit publié. Ce bouquin subit des dizaines de retards et autant d'explications plus ou moins foireuses. L'idée que la ME le soit réellement, foireuse, s'insinue en moi, mais je ne veux pas y croire. Ça ne peut pas m'arriver, pas à moi. Quand le 6 février, Eyrolles m'appelle pour me proposer d'éditer Des papillons sous oxygène, je reste sans voix et sur la défensive. Un mois plus tard, je demanderai à récupérer mes droits sur Les Mèreveilleuses et deux mois plus tard la ME disparaitra, laissant ses auteurs désemparés. De mon côté j'ai accepté la proposition d'Eyrolles. On supprime cinquante pages, j'en écrit cent-vingt de plus. Je pétille. J'adore l'émulation que je ressens. Être entourée et conseillée ça me porte, même si au bout des 172 relectures, je n'en peux plus de cette histoire ! Mais je peux enfin respirer : je n'ai pas fait tout ça pour ça, arrive un moment où ça marche. Je continue à écrire mon roman sur la guerre d'Espagne et des histoires surréalistes gravitent autour de lui et moi.
2022. Des papillons sous oxygène sort en février. Un peu inaperçu. Encore. Peu de retours si ce ne sont ceux de mon entourage et des lecteurs qui me suivent depuis Parce que la vie ne suffit pas. Je fais des salons et des dédicaces où il m'arrive de ne pas croiser un seul lecteur. Je crois bien qu'il ne se vend pas. On me dit que c'est la faute à la conjoncture, à la guerre en Ukraine, au prix du gaz, aux suites du Covid. Putain de timing. On me dit que pour les autres auteurs c'est pareil. On me rassure en me donnant leurs statistiques de ventes, mais ça ne me rassure pas du tout. Ils ont toujours plusieurs zéros à leurs compteurs. On me dit des tas de trucs, mais comment croire autre chose que : "mon livre n'est pas bon". Je me remets pourtant à écrire. Un peu comme une addiction. Comme un gouffre à remplir. Y croire encore. J'écris une autre histoire qui se passe au Pays Basque, une histoire de famille qui prend racine dans un moment partagé avec une lectrice lors de ma première dédicace pour les papillons à Agen. Peut-être est-ce un feel-good ?De son côté, mon roman historique envoyé aux maisons d'édition reçoit de super retours de ME, mais aucune n'a dit oui. L'une d'entre elles me pousse à retravailler le texte pour le rendre moins touffu, alors je retravaille. Deux ans que je suis dessus.
Été 2022 : Est-ce la couverture des papillons qui donne des envies de voyage aux lecteurs ? J'ai un retour quotidien sur ce roman. Tous plus géniaux les uns que les autres. Ils font battre mon cœur. Des blogueurs s’en sont emparés. Des libraires me soutiennent, je reçois des messages en MP, je vois les étoiles sur un réseau de lecteurs, les photos de papillons envoyées sur mon téléphone ou les appels d'amis de longue date qui me disent l'avoir adoré. J'en suis étonnée, tant je m'étais convaincue qu'il n'était pas bon. Je souris. Les petits ruisseaux font peut-être les grandes rivières. Une nouvelle manière de proposer ses manuscrits aux ME est née depuis quelques mois. Une plateforme appelée Edith&nous. J'en profite et j'y dépose mes deux textes : le feel-good et le roman historique. Et je croise les doigts. Même si le mois d'août n'est pas la meilleure période pour déposer des manuscrits et que septembre est un peu compliqué aussi. Toujours mon sens du timing.
Septembre 2022 : Après qu’on me l’ai demandé des dizaines de fois sans que j’ose franchir le pas, j’ai enfin animé mon premier atelier d'écriture et je n'ai pas eu l'impression d'être un imposteur. J'avance. À petits pas, mais j'avance. J’en animerai un autre en novembre (et je ne sais pas encore qu’on va me proposer d’en animer quatre en 2023).
Décembre 2022 : Je n’ai toujours aucune piste pour l’édition de mes romans. L’auto édition me semble plus que jamais ma seule solution. Je suis dépitée, mais pas abattue. Avec une amie autrice, Valérie Van Oost, ça fait plus de deux ans que nous nous appelons tous les vendredis pour parler de nos grandes avancées et nos petites reculades en matière d’écriture. Je la bassine avec mes doutes, alors, un peu comme si je lui envoyais une bouteille à la mer, je lui propose de relire le texte qu’elle s’apprête à transmettre à une ME. Elle me remercie mais elle ne sait pas encore le cadeau qu’elle me fait. Elle m’ouvre une porte. Ce travail me galvanise. J’adore polir les phrases, trouver le mot juste et suivre la musique de l’auteur. Une nouvelle fois je me sens à ma place, c’est le cœur battant que je lui ai rendu le texte. C’est une belle histoire, pas toujours gaie comme l’est la vie, mais inspirante. Il a un titre magnifique : Les garçons russes ne pleurent jamais. De mon côté il me reste dix pages d’un autre roman, écrit petit à petit à peaufiner avant… avant quoi ? Avant d’essayer de lui trouver une ME. C’est une histoire un peu folle d’une écrivaine qui refusait d' écrire un livre. C’est un peu barré et rempli d’autodérision. Il parait que ça me ressemble. Mais à qui plaira-t-il?
En 2023 je vais …
J’ai bien aimé 2022 qui m’a permis de faire des tas de choses auxquelles je rêvais alors en 2023 je vais Écrire si ça vient, proposer la correction ou l’accompagnement à l’écriture à d’autres auteurs, auto éditer un roman et peut-être en découper un en plusieurs chapitres que je vous livrerai ici. Un épisode par semaine. Qu’est-ce que vous en dites ?
Et vous, comment voyez-vous 2023 ?
Je vous embrasse.
NL
Question de la semaine :
Quel cadeau aimeriez-vous trouver dans votre soulier ?
Série à voir (ou pas. Attention violence) :
Yellowstone. Dans le Montana, la famille Dutton possède le plus grand ranch des États-Unis près du parc de Yellowstone. Menée par le patriarche John, un homme aux méthodes parfois expéditives, la famille se bat contre des politiciens et des promoteurs immobiliers, pour que l'on n'empiète pas sur ses terres. Au début, je me suis demandée dans quelle famille de psychopathes j’étais tombée. Ils sont tous plus affreux les uns que les autres (mention spéciale pour Beth) et puis, je me suis laissée prendre au piège et j’enfile les épisodes de la dernière saison comme des nounours à la guimauve (c’est dire !)
Série (bis) (à voir):
J’ai regardé la série Désordres de Florence Foresti en deux soirs et j’ai adoré, la sincérité, l’humour grinçant et l’auto dérision dont l’actrice fait preuve.
PS : Je suis désolée pour celles et ceux qui liront ce texte pour la troisième fois. C’est un peu comme si je bégayais, mais la vie ne le fait-elle pas de temps en temps ?
PS2 : Si vous ne voulez plus recevoir cette newsletter, laissez-la dans vos spams ;)
PS3 : Joyeux noël
Et la faute de frappe sur le premier mot... on en parle ?
Trouvé ! Et bien contente de l'avoir lue 🙂.
À bientôt bientôt j'espère.
Je suis ouverte à tout pour 2023 😁.