Bonjour et bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”.
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Plus jeune je croyais qu’Insomnie était quelqu’un. Une jeune femme outrageusement maquillée, vêtue d’une ample robe grise serrée à la taille. Elle arrivait en silence, les pans de sa jupe tournoyaient et elle se couchait à côté de moi. Je sentais les accroches de ses os et ses doigts crochus se refermer sur mon corps. Elle resserrait autour de moi ses longs bras blancs décharnés et je sentais son souffle contre ma nuque. Je me battais contre elle. Je tournais et retournais dans mon lit. Je rejetais les couvertures ou me roulais dans ma couette. Je hurlais sans bruit, me frappais la tête pour que le vélo cesse enfin sa ronde, j’attrapais ma liseuse et sa lumière bleue, tout en sachant que ce n’était pas constructif. Je me baladais sur Instagram (qui, comme chacun le sait est la meilleure solution pour contrecarrer une insomnie), j’invoquais un dieu ou une déesse du sommeil, jurant que j’étais prête à tout pour m’endormir et dormir au moins cinq heures, y avait qu’à demander. Je finissais la nuit, haletante le plus souvent, les yeux cernés, jusqu’au jour où j’ai compris qu’Insomnie n’était pas quelqu’un, mais un endroit.
J’ignore par quels chemins j’y arrive. Parfois c’est en m’endormant : une idée qui tourne en boucle et le petit vélo se met en marche. Des pensées irrationnelles m’assaillent, des scénarios rocambolesques, ou des passions étranges, comme découvrir “comment crever des pneus dans une rue sans se faire choper ?” D’autres fois le voyage se fait à la faveur d’une lune trop blanche, de la chute d’un objet au rez-de-chaussée, d’un amoureux un peu bruyant et paf, le lieu m’avale. Je m’enfonce. Je descends en insomnie. Souvent, je fredonne une rengaine agaçante dont j’ai oublié la moitié des paroles (cette nuit c’était “femme des années 80”)
C’est un endroit où il m’arrive de croiser mon mari. On se fait un signe de la main, on s’embrasse pour se donner du courage, et on repart, chacun dans le lieu de notre insomnie. Mais, la plupart du temps, j’y suis seule car c’est un espace qui n’appartient qu’à moi, même si je le partage avec des milliers d’autres.
Pour s’y rendre, nul besoin de visa ou de passeport, et pour en revenir, la seule formalité est de lâcher prise. Accepter de penser à des souvenirs oubliés ou de rejouer mille fois la même scène en y ajoutant de micros éléments censés la faire tenir debout. Je ne vais pas prétendre que j’y plonge avec délice, non, il ne faudrait pas exagérer, mais aller en Insomnie, me permet souvent de déverrouiller quelque chose. Trouver les mots secrets qui me font défaut le jour pour fabriquer les phrases auxquelles j’aspire. Des phrases qui ne feraient pas leurs intéressantes et qui s’infiltreraient doucement jusqu’à votre âme. Insomnie est un endroit où j’accède à l’essentiel. À l’indicible. Un endroit où j’ai ôté tous mes apparats, où je suis moi, la Nathalie qui peut avoir cinq ans, quinze ou soixante-douze, connectée aux autres et à ses souvenirs. Un endroit où il est inutile de tricher. Ici, je me regarde en face. C’est peut-être ce qui était difficile avant : accepter d’être celle qu’on est dans le secret de soi.
Cette nuit j’ai pensé au premier de ses anniversaires qui était en fait le quatrième. Je venais d’apprendre son existence, et la veille nous avions obtenu le Feu vert des autorités vietnamiennes pour partir le chercher. Je lui avais acheté un jean et une chemise à carreaux en taille 4 ans, qu’il a porté près de deux ans après. Ce soir, il y aura seize bougies sur son gâteau, même si pour moi il n’a que douze ans.
Cette nuit, j’ai repensé à mon amie qui m’a appris avoir quitté son mari après avoir déposé plusieurs mains courantes contre lui. J’ai eu honte de moi. De n’avoir rien dit, d’avoir pensé que ce n’était pas mes affaires alors que j’avais parfaitement compris qu’il y avait un problème dans leur couple. On ne sait jamais ce que vivent les gens tant qu’on ne vit pas avec eux et il faudrait toujours avoir le courage d’oser parler.
J’ai pensé à tous les bébés qui font leur entrée dans le monde durant la nuit. Seront-ils davantage sujets aux insomnies ? (Bienvenue Hannah.)
Cette nuit, je suis descendue en Insomnie, et une fois n’est pas coutume j’ai pensé « autant que ça serve à quelque chose ». C’est de là que je vous ai écrit cette newsletter que vous lirez dans quelques heures alors que j’avais prévu de vous écrire un mot d’excuse genre « Nathalie n’a pas pu rédiger sa newsletter parce qu’elle a mal à la main. »
Il est 3h19, et depuis l’endroit où je me trouve, où il ne fait ni froid ni peur, je suis heureuse d’avoir trouvé quelques phrases à vous dire.
Je vous embrasse, dormez bien …
Ce qu’en pensent les copines :
Célia : La nuit, j'adore dormir!!!
Aurélie : je m’accommode de la nuit. Je fais face, quoi …
Elizabeth : Comme toi Nathalie, un rapport compliqué avec le sommeil . Parfois c’est le grand amour parfois on se cherche sans vraiment se trouver . Je crois que je n’aime plus trop dormir mais pourtant je sais que j’en ai besoin
Christelle : Ah, vaste question... insomniaque jusqu'à mes 25 ans, puis mes nuits sont devenues plus sereines et le sommeil m'a de nouveau quittée depuis que je suis quinqua... pas vraiment d'angoisse, pas de peur nocturne, juste le sommeil qui ne vient pas et mon esprit qui se met à dérouler tout un tas de pensées qui m'éloignent chaque minute un peu plus des bras de morphine. Mais peu importe, j'aime la nuit, le silence, la lumière de la lune et des étoiles dans ma campagne, les chats qui se promènent ou chassent... mon petit plaisir : le bruit de la pluie la nuit.
Marie : Ah … la nuit… le mouvement de la nuit… 🙌❤️
Nathalie : J'ai toujours beaucoup dormi, des nuits de plus de 10h toute mon adolescence. Depuis 1989 je bosse de nuit, un choix que j'adore, mes nuits n'ont pas changé sauf les lendemains de nuit ou je fais de la lecture jusque vers 1h30, 2h mais le lendemain je ne me réveille jamais avant 10h dans ce cas. J'adore la nuit, ses bruits, les étoiles, la lune, le vent...
Ariane : La nuit, c’est difficile.. est-ce parce que je suis née en pleine nuit ?
Je ne saurais pas dire, mais je m’endors toujours vers 2h. Minuit est un moment de pleine angoisse et de réflexion…
Petite, ma maman me donnait un chocolat au lait pour dormir, j’ai repris cette habitude et ça m’aide plutôt bien ! 🍫
Amal : Je pense que c’est une question de tempérament ET d horloge biologique innée, moi j’aime la nuit et j’ai toujours adoré la nuit mais j’aimerai bien dormir tout de même 🤨 parce que s’il y’a une dette qu’on ne rembourse jamais c’est bien celle de sommeil . Mais suis team #becausethenight 😉
Caroline : J’adore la nuit, surtout l’été quand il fait bon, que le ciel est clair et que je peux m’absorber dans la contemplation des étoiles. J’aime veiller tard, et c’est la nuit que j’ai le plus d’idées. Par contre j’ai un vrai problème avec le matin !
Lartemisia : J'adore la nuit. Cocon étoilé, je m'y love quand elle vient. J'adore ses silences et son temps suspendu. Le noir ne m'effraie pas il accroche si joliment la lumière.
Marie-Aline : Moi j’ai un rapport compliqué avec le sommeil, je trouve que je perds du temps. Du coup je regarde des documentaires ou des séries très très très tard ( la nuit dernière j’ai éteint la tv à 03h) , puis je lis pour finir par m’endormir sur mon livre . Et le lendemain c’est le calvaire pour me lever à 07h ! Et de temps en temps , quand je suis crevée, je me couche “tôt “ (= 23h).
Pic by @arianelongevial “La nuit, je mens”
Merci Nathalie pour cette sublime lettre.
J'ai l'habitude de vivre ce que je nomme des "réveils nocturnes" : le monde m'appartient alors. Je lis, écrit, bois du thé, contemple la lune et les étoiles... Ce sont des moments magiques.
❤️