Depuis plusieurs mois, j’étais en panne de lecture. Pour la plupart des gens ce n’est pas un problème suffisamment grave pour en faire une newsletter. C’est vrai, et si l’on compare, ne pas pouvoir lire, c’est moins désastreux qu’une guerre, une pandémie ou des intempéries.
Bonjour,
Je suis Nathalie LONGEVIAL, romancière, éditrice externe et coach en écriture. Bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”.
Sauf que si je ne lis pas, je n’écris pas non plus. Et là, ça devient nettement plus compliqué à gérer pour une écrivaine.
Je ne sais pas à quoi ça tient cette histoire, mais, comme je le disais en résidence d’Écriture : quand je lis les mots des autres écrivains, c’est comme quand j’ouvre un robinet et que l’eau coule. Vous voyez l’image ? Non ? Eh bien, quand l’eau coule, je cours aux toilettes, quand je lis, les mots me viennent pour écrire.
Bref. Je ne lisais plus, je n’écrivais pas, mais qu’est-ce que je scrollais ! Au début du mois de mars, je me suis rendue compte que je passais près de six heures par jour à regarder mon téléphone. La plupart du temps sur Instagram. Six heures pendant lesquelles je me retirais du monde, je me mettais dans ma bulle et je regardais des choses qui ne m’apportaient rien, qui ne créaient rien en moi, si ce n’est de la frustration parce que bien sûr, j’étais moins jolie, moins riche, moins éditée, moins intelligente, moins forte, moins lue que tous les autres gens que je croisais dans leurs petites cases Instagram.
Cela n’aura échappé à personne, cette application est envahissante et addictive, mais c’est là, dans ce faux monde idyllique fait de sourires en toc, que je passais la plupart de mes journées, tout en me demandant mille fois par jour ce que j’allais pouvoir poster, dire, partager (le tout étant bien entendu, bien moins intéressant, beau, instructif ou inspirant que ce que postaient les autres).
J’ai alors décidé d’entamer une cure d’amaigrissement de l’usage de mon téléphone et notamment Instagram.
J’ai retiré toutes les notifications. Au début, j’allais vérifier plusieurs fois par jour que je n’avais rien reçu. C’était vraiment contreproductif, mais petit à petit, mon cerveau a oublié que je pouvais avoir, éventuellement, reçu un message, un like ou un mail. Petit à petit, je ne suis plus allée vérifier et j’ai constaté une forte baisse de mes connections. Le monde continuait à tourner et Instagram à instagramer sans moi.
J’ai balancé l’icône Instagram à la dernière de mes pages. Tout au bout. La sixième. Après celle des jeux de mon fils (que je n’ouvre jamais)(et lui non plus d’ailleurs) (nb : penser à les désinstaller), après celle des trucs relous qui encombrent et ne me servent pas à grand-chose. Sur cette page il n’y a qu’Instagram, et maintenant que je ne vois plus l’icône sur ma page principale, c’est presque comme s’il n’existait plus.
Je poste beaucoup moins. C’est venu petit à petit aussi. Une constante demeure : le post du jeudi où j’annonce le sujet de la newsletter et où j’aime lire vos commentaires qui viennent enrichir cette infolettre.
Je poste quand j’en ai envie : Peu importe ce que disent les professionnels de la visibilité Instagramesque. Il faut qu’on me voit ? Pas de souci, mais mon coeur de métier c’est l’écriture, la poésie, les images mentales et pour cela, il me faut du vide, de l’espace et du silence visuel.
Je regardais déjà très peu les stories et j’ai aussi arrêté de regarder les Reels qui captent l’énergie et sont hypnotisants au point de nous faire ressembler à un zombie.
J’ai retiré des abonnés. Oui, je sais, c’est pas joli, joli, mais je me suis rendue compte que je vérifiais si Unetelle ou Machin Chose avait liké mes posts ! N’importe quoi, ma pauvre ! Il/elle s’était abonné.e et n’avait jamais rien liké, il n’y avait aucune raison qu’il/elle le fasse un jour. La réciprocité peut-être ? La réciprocité ? N’importe quoi, ma pauvre ! Oui, je sais, cette personne avait bien le droit de faire de la veille, et de venir en loucedé. Ouais, beh pas chez moi. J’ai réagi comme je l’aurais fait dans la vrai vie. Et dans la vraie vie, j’aurais arrêté d’inviter quelqu’un chez moi, s’il était allé de pièce en pièce, sans dire un mot, et qu’il était reparti sans saluer.
Très rapidement, de six heures par jour, je suis passée à cinq heures quarante. Joie ! J’étais en train d’y arriver ! Je ne m’étais pas fixé de limite trop radicale à atteindre, consciente que même une légère baisse serait la bienvenue. Je n’avais pas fixé non plus de dead line genre dans deux semaines il faut que... Non, ce qu’il fallait, c’est que je me désintoxique et comme toute cure de désintox, je devais y aller pas à pas. Prendre mon temps. Me respecter. Il pourrait y avoir des rechutes, mais cela ne serait pas grave : j’étais sur la bonne voie. Le problème initial était pourtant toujours présent : je ne lisais pas davantage, et je n’écrivais pas beaucoup non plus. Heureusement, j’avais des manuscrits à lire et des auteurs à accompagner, ce qui me donnait l’impression de ne pas être totalement inutile.
J’ai persévéré. Petit à petit, les applications ont arrêté de me tenir compagnie dans tous les temps morts de la journée. À la caisse du supermarché, je regarde la vie, dans une salle d’attente, j’attends, sans substitut de vie 3.0. La vie, la vraie, elle est là autour de moi, avec la mamie qui essaie de resquiller parce qu’elle est plus malade que moi, le gosse qui vient de fourrer dans sa poche un sachet de Ricola et qui va vite déchanter. Elle est avec ces deux ados, qui cachent comme ils le peuvent le paquet de préservatifs, avec les palmes des palmiers qui se balancent devant ma fenêtre et Robert le rouge-gorge familial qui me salue chaque matin. J’ai redécouvert l’importance du vide, du rien, du temps qui passe, simplement, sans surconsommation d’images, sans malbouffe cérébrale.
La semaine dernière j’en étais à deux heures trente-cinq. Cette semaine, j’ai encore amélioré mon score puisque mardi, je n’y suis allée qu’une heure vingt-six et mercredi cinquante sept minutes, le tout sans éprouver le moindre symptôme de manque.
Je sais qu’il y aura des rechutes. Elles sont inévitables, mais maintenant, je sais aussi que je peux y arriver.
Et vous savez quoi ? Je suis en passe de terminer l’écriture d’un roman (sur les quatre en cours…) et j’ en ai lu trois depuis le mois de mars. Ce n’est pas un record, mais je savoure ma victoire.
Et vous, vous en êtes où de la relation avec votre téléphone ?
Je vous embrasse, à la semaine prochaine
Nathalie
Ps : comme souvent, très souvent même, ce qui me fait croire que je suis in the mood, ce matin (le “ce matin” de la rédaction de la NL, donc mercredi) sur France Inter dans Grand Bien vous fasse, le Dr Chaboche est intervenu sur l’importance de laisser du rien dans sa vie. "L’humain a un besoin vital de "faire rien", pour se connaître, se réinventer là où le sens de nos vies peut se trouver dans une spiritualité laïque ou religieuse si on veut et qui nous manque tant. Il n’y aurait pas de musique si, entre deux notes, il n’y avait pas de silence. Alors aujourd’hui, je nous prescris de faire rien en regardant quelque chose de beau car la nourriture de notre esprit, c’est aussi de le remplir d’un vide qui laisse place à nous imaginer en ce que nous avons tous de mieux en nous !"
Ce qu’en pensent les copines
Marie-Jo : Relations avec le tél … je n’arrive pas à gérer le « moins » accro 😂
Émilie : J’arrive à le poser, le retourner pour ne pas avoir à regarder machinalement. Toujours en silencieux pour ne pas être polluée par le son des appels, messages et notifs. Il connaît mieux mes codes de Connexion que moi, m’énerve quand il bugg alors que je suis en train de gagner une partie de Candy cruch. Tout ça me fait penser que TROP. Mon rapport au téléphone est TROP.
Céline : Il est très envahissant 🙃 il m’agace mais je ne peux pas m’en passer.
Marjorie : J’ai un très vieux téléphone qui me sert uniquement à téléphoner !
Aline : Grâce à lui je reçois des photos de mes petits-enfants qui vivent à plus de 5000 km de moi, alors, je peux dire que je l’aime d’amour mon téléphone.
La jolie photo est de Annie Spratt.
Ah je pensais que c’était l’algorithme qui du fait que j’y vais moi aussi bien moins souvent ( par manque de temps…) me donnait moins de visibilité sur ton compte. Mais je me suis rendue compte cette semaine , alors que j’étais en vacances, que tu avais aussi peu posté, ce que j’ai attribué aux vacances! Moi c’est un peu le contraire du coup , je suis assez friande de ces moments volés pour aller me connecter. Mais c’est vrai que c’est debile le temps qu’on y perd parfois au lieu de profiter de ces moments pour faire des trucs en vrai!
Sujet d’actualité !!
J ai décidé pour ma part de ne plus ke toucher aux repas , hallucinant non ? Comme une ado … et de le laisser ds la chambre le plus souvent possible. Je vais m’inspirer de tes préconisations. 😉💛