Chères lectrices, chers lecteurs,
Je tourne autour de la poésie depuis très longtemps sans jamais m’attaquer au sujet. Il y a d’abord eu les poèmes de ma soeur, qui empruntaient à Apollinaire leur forme et leurs thématiques. Puis, mes poèmes adolescents où je me perdais dans l’accumulation des mots et des images. Il aura fallu les mots de Line Papin, mis en image par Inès, ceux de Crescencio, le héros de Un tango pour Doro, et enfin, les mots de Valérie, mon amie du vendredi, dans sa dernière newsletter parue mardi, pour que je me décide à plonger dans l’univers de beauté et de puissance qu’est la poésie. Depuis quelques temps, un recueil de Cécile Coulon traine sur ma table de nuit, je l’ouvre au hasard et me régale de ses mots, c’est un changement récent dans ma vie dont j’avais envie de vous parler.
Il n'est pas question ici de rimes parfaites ou de vers mesurés, mais de son essence même, de son souffle vital qui traverse les âges et les épreuves, tout comme elle a aidé Crescencio à traverser les siennes.
Bonjour,
Je suis Nathalie LONGEVIAL, romancière, éditrice externe et coach en écriture. Bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”. J’écris ici en one shot, c’est-à-dire sans relecture. C’est un exercice très différent de celui d’écrire des newsletters en ayant un programme de publication. Ici, j’écris ce qui me passe par la tête à l’instant T. Il reste peut-être des fautes ou des coquilles, j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
Avez-vous déjà ressenti ce coup de vent, cette impulsion soudaine qui vous pousse à aller de l'avant, à croire en vos idées les plus folles ? J’appelle ça le souffle de la poésie.
Il peut s’immiscer en vous n’importe quand, n’importe où : devant un coucher de soleil tout aussi bien qu’à la queue des caisses du supermarché ou en sortant les poubelles. Parce que, oui, la poésie n'est pas seulement dans les livres, elle est surtout, dans la manière de regarder le monde, d'habiter nos rêves, de donner de l'élan à nos projets les plus intimes comme les plus ambitieux.
La poésie se révèle être une ancre, un refuge. Comme le dit Crescencio dans Un tango pour Doro (p 117) : “On fait la guerre pour l’argent et le pouvoir, mais tu te trompes mon ami, les jeunes gens partent à la guerre pour l’utopie, pour l’espoir. Et pour les leur transmettre, il nous faut un souffle et des mots : ceux de la poésie.” En écrivant ces lignes, je repensais aux périodes où l'humanité vacille. Qui d'autre que les poètes ont su, par leurs mots, porter les destins, maintenir l'espoir et insuffler du courage là où tout semblait perdu ? Leurs vers sont devenus des chants de résistance, des murmures de résilience, des éclats de lumière dans les ténèbres (^-^). La poésie, dans ces moments, n'est pas un luxe, mais une nécessité absolue, une bouée de sauvetage pour l'âme humaine.
Pour autant, elle ne se cantonne pas à la paix et à la douceur. Elle est aussi un terrain fertile pour la fureur, la révolte, et la critique. Elle a toujours été le cri des opprimés, la voix de l'indignation face à l'injustice. Elle ose nommer l'innommable, dénoncer l'absurdité, et secouer les consciences endormies. Il suffit de regarder dans nos livres de français du lycée pour retrouver les poètes qui ont bravé la censure pour crier leur colère contre la tyrannie, ceux qui ont mis en mots la souffrance des peuples, la destruction de l'environnement, ou la violence des discriminations. Ces vers nous rappellent la complexité du monde, la nécessité de ne pas détourner le regard, et la force du mot pour transformer le réel.
Et si la poésie était la seule capable de sauver le monde ? Cette question est celle de Valérie dans le titre de sa newsletter (je ne l’ai pas encore lue, j’attends la parution de la mienne pour pouvoir le faire). Audacieuse question, n'est-ce pas ? Quand on y réfléchit, elle recèle une vérité profonde : la poésie nous reconnecte à l'essentiel, à l'humain, à la beauté, à la fragilité de notre existence. Elle nous pousse à l'introspection, à la compassion, à l'émerveillement.
Dans le monde actuel, déchiré par les conflits, les incompréhensions, et la course effrénée au progrès matériel, la poésie nous rappelle notre capacité à rêver, à ressentir, à vibrer. À nous satisfaire du peu, du moins et de l’éphémère d’une sensation. Elle nous invite à une autre forme d'intelligence, celle du cœur et de l'imaginaire. Elle nous permet de voir au-delà des apparences, de comprendre les nuances, de trouver des ponts là où nous ne voyions que des abîmes.
En cultivant cette sensibilité poétique en nous, en la partageant, en la laissant infuser nos vies, nous contribuons à bâtir un monde plus doux, plus conscient, plus humain.
Comment parler de la poésie sans évoquer l'amour, sans doute l'une de ses plus grandes muses ? Qu'il s'agisse de la passion dévorante, de la tendresse sereine, de la mélancolie de l'absence ou de la joie des retrouvailles, il a toujours été un moteur puissant pour l'expression poétique. C’est son amour contrarié pour Doro, associé à la violence de la guerre civile, qui a donné les plus beaux poèmes de Crescencio.
La poésie n’est pas confinée aux recueils ou aux livres de première et quand on me dit ne pas aimer la poésie, j’ai souvent un sourire en coin. Et les chansons alors ? Ne sont-elles pas de la poésie mise en musique ? Qu’importe le style de Brel à Stromaé, de Barbara à Pomme, de Dylan à ACDC, les chansons prennent les mots, les habillent de mélodies, et les propulsent directement au cœur de nos émotions. Les chansons prouvent que la poésie est partout, vibrante et vivante. Elles son capables de toucher un public immense, de traverser les frontières et les générations, et de s'ancrer profondément dans notre mémoire personnelle et collective. Elles nous rappellent que la poésie n'est pas une discipline figée, mais une force évolutive, capable de s'adapter et de résonner avec les rythmes de notre temps et qu’elle est universelle. Combien de fois une chanson a-t-elle su exprimer ce que nous n'arrivions pas à formuler ? Combien de fois un refrain nous a-t-il accompagné dans nos joies, nos peines, nos révoltes ou nos espoirs ?
Dans Un Tango pour Doro je parle de plusieurs poèmes mis en musique au service de la résistance républicaine espagnole, les voici :
"Himno de Riego" (Hymne de Riego)
Origine : Composé en 1820 avec des paroles d'Evaristo San Miguel et une musique attribuée à José Melchor Gomis.
Contexte : Il tire son nom du général Rafael del Riego qui mena un "pronunciamiento" (soulèvement militaire) libéral en 1820 pour restaurer la Constitution de Cadix.
Importance : C'est l'hymne le plus emblématique des mouvements libéraux et républicains espagnols. Il fut l'hymne officiel de la Première et de la Seconde République espagnole (1931-1939). Ses paroles sont un appel à la liberté, à la lutte contre la tyrannie. Il en existe plusieurs versions, y compris une version anticléricale célèbre.
"A las Barricadas" (Aux Barricades !) (dont on m’a parlé hier soir lors de la rencontre à la médiathèque de Saint Pée sur Nivelle.
Origine : C'est un chant anarchiste de la Confédération Nationale du Travail (CNT) de la Guerre d'Espagne. Les paroles sont de Valeriano Orobón Fernández et la musique est basée sur un vieux chant polonais, "La Varsovienne".
Contexte : Il est devenu l'hymne de la CNT et de la Fédération Anarchiste Ibérique (FAI), très actif pendant la Révolution sociale espagnole de 1936.
Importance : Incarnant l'esprit révolutionnaire et libertaire, il appelle à la lutte directe et à la construction d'une société nouvelle.
¡Ay, Carmela!" (El Paso del Ebro / Viva la Quince Brigada)
Origine : C'est une chanson populaire espagnole du XIXe siècle, mais elle a été réactualisée avec de nouvelles paroles et est devenue un chant de la guerre civile espagnole (1936-1939).
Contexte : Il existe plusieurs versions. La plus connue est celle liée à la Bataille de l'Èbre où les troupes républicaines ont livré un combat acharné contre les nationalistes. Une autre version célèbre est "Viva la Quince Brigada!" (Vive la Quinzième Brigade !), un hommage aux Brigades Internationales qui combattaient aux côtés des Républicains.
Importance : Ces chants sont des symboles de la résistance républicaine face au franquisme, exprimant le courage, la détermination et parfois la souffrance des soldats.
Ces chants, bien que souvent simples dans leur structure, sont d'une force poétique et émotionnelle immense. Ils ont été des moteurs essentiels pour les combattants et la population, portant les messages de liberté, de résistance, d'espoir et parfois de désespoir, face aux dictatures et aux oppressions. Ils restent des témoignages vibrants de l'histoire espagnole.
Osons accueillir la poésie sous toutes ses formes dans nos vies, non pas comme un art élitiste, mais comme un souffle vital, une force transformatrice, dans toute sa complexité, sa vérité, sa capacité à magnifier l'amour, et sa puissance à chanter le monde.
L’avis des copines
Aux copines, sur Instagram, j’ai posé la question : quelle chanson résonne en vous comme un véritable poème ? Voici leurs réponses. Quelle est la vôtre ?
Ariane : Lovin’you de Minnie Riperton et d’actualité Une femme avec toi de Nicole Croisille
Pauline : tous les cris les SOS cover Safia Nolin et Alexandra Strelinski et 2019 de Pomme
Inès : Knockin’ on heaven’s door - Bob Dylan ou Hurt de Johnny Cash et River de Joni Mitchell
Sonia : Foule sentimentale de Souchon
Emmanuelle : Dimanche soir - Grand corps malade et Mon hérutage- B Biolay
Céline : les chansons de Calogéro ou JJG
Marie Aline : La symphonie des éclairs - Zhao de Sagazan Le baiser de Souchon, Rêver de Mylène Farmer, La quête de Brel, Le rêve du pêcheur de Voulzy, et spécialement pour toi deux chansons de Cabrel : La robe et l’échelle ou le reste du temps.
Laurence : Jardin d’hiver Henri Salvador et Hors saison de Cabrel
Terre : Le sud de Nino Ferrer et les chansons joyeuses de Michel Fugain à l’époque du Big Bazar : Fais comme l’oiseau
Anne- Laure : Rimes féminines de Juliette.
Catherine : Mistral gagnant
Nathalie : La vie est belle de Saria
Sylvie : Les feuilles mortes, Yves Montand
Béatrice : le vélo d’hiver Calogéro
Cécile : La bohème Aznavour
Je vous embrasse,
Nathalie
PS: la photo n’a rien à voir avec le sujet, je le sais …
Très belle lettre, je partage ta vision de la poésie. Elle est l'espoir et la force de vie 🤍 Difficile de choisir une seule chanson, en effet. Mais à mes yeux, la poétesse musicienne la plus incroyable actuellement c'est Zaho de Zagazan.
Choisir qu’une seule chanson est difficile finalement 😅