Lettre à la moi de 16 ans,

Chère Nathalie,

Je t’écris d’un endroit que tu n’imagines même pas, vu que tu arrêtes de te projeter après l’an 2000, parce qu’en l’an 2000 tu auras 32 ans, et que c’est vieux, 32 ans. Je ne voudrais pas commencer par te vexer, mais non, ce n’est pas vieux ! Depuis l’an 2000, vois-tu, nous avons pris 23 ans, et tu n’es toujours pas vieille, sauf peut-être le matin quand tu te lèves et certains jours dans ton miroir. D’ailleurs, je préfère passer sous silence la couleur de nos cheveux actuellement. Te connaissant à 16 ans, je sais parfaitement que tu crierais au scandale et je ne voudrais pas te saper le moral dès l’introduction de ma lettre.

Tu viens de tomber amoureuse et tu écris son prénom partout. C’est un truc bizarre, mais tes doigts semblent animés d’une vie qui leur est propre. Ça fait sourire ta mère et hausser les épaules de ton père et ça fait enrager ta sœur de trouver son nom sur la moindre feuille de papier qui traine. Tu n’abandonneras jamais cette habitude et tu en écriras d’autres : Inès, Victor, Ariane et même un, assez étrange, Tanh. Pour tout te dire, je crois bien que nous sommes encore amoureuses. Du même. Parfois, il te faudra prendre ton mal en patience avec lui, et d’autres fois ce sera si simple, que tu te demanderas pourquoi la veille tu enrageais.

Je sais que souvent tu va te demander à quoi vont te servir les études que tu vas faire, sachant que tu n’habiteras jamais dans la seule ville où tu trouverais du travail. Si j’ai un petit conseil à te donner : ne change rien. Fais-les ces études. Elles te procureront une ouverture d’esprit que peu d’autres auront dans ton domaine. Ce sera sans doute ta force. Je ne vais pas te cacher que tu te prendras des râteaux et que tu chercheras ta route, mais tu sais faire des choix et tu les feras. D’ailleurs, le métier que tu exerces aujourd’hui, à 16 ans tu ne sais même pas que c’est possible. Bon, ce n’est pas simple, hein, je ne vais pas te mentir, mais tu t’accroches et c’est déjà pas si mal.

Ne renonce jamais à tes rêves : tu en réaliseras beaucoup. Bientôt, tu vas commencer un petit carnet dans lequel tu les écriras tous. Tu vas le perdre, et même si tu le cherches partout, tu ne le retrouveras jamais. Pourtant, certains de tes rêves se sont comme imprimés sous tes paupières, et sans avoir l’impression de leur courir après, tu en réaliseras quelques uns. Je ne vais pas te dire lesquels, ça risquerait de changer le cours des choses, mais je peux te parler d’une robe blanche (oui, oui, même si tu dis crânement au garçon à côté de toi que « non, non, non, tu ne te marieras jamais ! »). Il y aura aussi le chiffre 4 vers lequel tu finiras par aller, après avoir juré que jamais tu n’auras quatre enfants. Je pourrais te raconter quelques voyages parce que je sais que tu n’aimes pas ça. Pourtant, tu iras en Asie, et tu en reviendras transformée. C’est souvent le cas, paraît-il, avec l’Asie, mais chut je ne te dis pas à quel point. Nous ne sommes toujours pas mortes et pourtant nous avons vu New-York. Deux fois. Oui, je sais, tu dis à qui veut bien l’entendre que tu voudrais “voir New-York et mourir”, ben, c’est raté ! Voilà, une autre chose que tu vas découvrir assez vite : tu n’as pas toujours raison !

Quelques indices pour te permettre d’avancer : n’oublie pas La petite maison dans la prairie, un jour, tu l’habiteras. N’oublie pas non plus les plans de l’institut de beauté que tu dessinais quand tu avais 10 ans, ça peut toujours servir. Tu collectionneras les carnets Moleskine. Je sais, tu ignores ce que sont les carnets Moleskine, mais, fais moi confiance, ils seront une part non négligeable de ta vie. Non, tu n’écriras pas d’histoires de Fantômette ou d’Alice détective, mais après tout, qui sait, la route est longue… Et n’oublie jamais vos vacances à Cadaquès. Je dis ça, je dis rien.

Inutile de te laisser rêver davantage : nous n’avons toujours pas de camping-car, tu ne tutoies aucun grand de ce monde, tu n’as jamais reçu de Molière et tu n’as jamais monté les marches du Festival de Cannes. Si ça peut te rassurer, tu le feras cette année par l’intermédiaire de quelqu’un que tu aimes, mais chut, c’est une autre histoire. Toi qui rêves de faire de l’humanitaire, il te reste un peu de temps devant toi : Sœur Emmanuelle avait 60 ans passés quand elle a commencé, mais, faudrait pas trop tarder quand même.

Au cours de ta vie, tu vas rencontrer des milliers de personnes. Certaines ne feront que passer, mais te laisseront un souvenir impérissable. Des inconnus deviendront ta famille. Là, tout de suite, avec ton côté entier et pas terminé, tu te dis que je te raconte n’importe quoi, mais je t’assure que les gens qui compteront vraiment, tu ne les connais pas encore. Tu vas perdre la trace de certains de tes amis d’aujourd’hui, mais pas de panique, tu les retrouveras plus tard, grâce à truc un peu fou qu'on appelle internet et réseaux sociaux. Tu verras comme c’est bon, ces shoot d’adolescence. Oui, je sais, il te tarde de vieillir, mais ne sois pas trop impatiente. Ça vient vite.

Je ne vais pas te parler des gens qu’on aime et qui ne sont plus là, parce que ça serait trop triste, alors je te laisse avancer et le découvrir par toi-même, au bon moment. Tu comprends, je ne voudrais pas te spoiler la fin. Ah oui, tu ne sais pas ce que ça veut dire spoiler, ce mot n’existe pas encore. Ça veut dire : raconter la fin d’un film avant de l’avoir vu.

Tu voudrais un ou deux conseils ? Je n'en n'ai pas. Fais ce que tu as à faire, comme dirait papa, et surtout, surtout, ne change rien.

Je t'embrasse et te garde au chaud dans mon cœur, car il ne faut jamais oublier ses rêves d'enfant : il arrive parfois qu'ils se réalisent.

Nathalie (55 ans presque)

PS : Je n'ai pas trouvé de photo de classe de nous à 16 ans, j'avais dû renoncer à dire à maman de les acheter, alors, pour te faire râler, je t'en colle une de nous au CM2.

PS2: Tu sais qu’un jour tu vas arrêter de tirer la tronche sur les photos ?

Et toi, que lui dirais-tu, à la toi de 16 ans ?

Ce que diraient les copines à leur elle de 16 ans :

Céline : “Vas-y, fonce, fais-toi plaisir ! La vie est trop courte pour réfléchir”

Élisabeth : “Tu as du flair ma fille” (à 16 ans, elle venait de rencontrer son futur mari)

Sonia : “Vas-y, il y aura des moments difficiles, mais au final, ça vaut le coup, car la vie est belle et surtout, profite de tout, ça va beaucoup trop vite”.

Marie Aline et Andréa : “Arrête d’être sage, écoute ton cœur.”

Aurélie : “T’inquiète, tu vas te tromper, mais changer d’avis, ce n’est pas se dédire”

Amal : “Pars d’ici !”

Magalie : “Écoute, ça ne va pas se passer tout à fait comme tu prévu, mais tu comprendras pourquoi plus tard. Fais-toi confiance. Aie-confiance en la vie et profite, parce que ça passe sacrément vite”.

Géraldine : “Ça va être génial !”

Émilie : “Pose sur le papier les ravages que peuvent causer les rumeurs dans les petits villages, la portée qu’elles ont et l’impact sur les choix d’une enfant qui va devoir grandir plus vite que les autres et l’influence que ça peux avoir sur « savoir qui je suis, ce que je veux être et l’estime de soi ».

Sol : “Tiens bon ma cocotte, tu vas t’en sortir de cette sale affaire , un jour ce truc sera derrière toi . Le beau brun à grande gueule de l’aumônerie, celui qui se fout de la gueule de tout le monde, le Pierre, il fait son méchant , mais c’est un type en or. D’ailleurs, Il a des vues sur toi. Si je te jure que c’est vrai, mais il ne le sait pas encore et toi non plus. En revanche , ne compte pas sur moi pour te dire que tu vas devenir géniale, ça, c’est que dans les films. Tes démons n’ont pas fini de t’embêter, mais au dehors, personne ne s’en doutera vraiment jamais. Simplement, tu deviendras plus forte au fil des ans. »

Claude : “Courage, ça ne va pas être facile. Réfléchis avant de foncer et accepte les compromis.”

Merci à toutes de jouer le jeu, j’adore cette partie !

Gros bisous, à la semaine prochaine

Nathalie