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Il y a quelques clichés iconiques qui me fascinent. Pas forcément pour la photo en elle-même, mais pour l’histoire qu’elles véhiculent et les questions qu’elle font naître en moi.
Il y a par exemple celle de Dorothea Lange j’ai eu la chance de voir au Musée de la Chalosse à Montfort-en-Chalosse au cours de l’exposition consacrée à l’artiste. (Si vous en avez l’occasion, courrez-y. Les photo sont mises en parallèles avec des commentaires de migrants vivant dans le village. Ils décrivent ce qu’ils y voient et l’émotion que ça suscite en eux. C’est fort.)
Il y a aussi celle-ci, de de Vivian Maier
Et celle-ci : Pique-nique à Rockfeller Center.
Cette photo mythique a été prise en 1932 pendant la construction du RCA Building, qui est le principal bâtiment du Rockefeller Center.
On y voit, perchés sur un échafaudage étroit au-dessus de Manhattan, onze ouvriers qui déjeunent les pieds dans le vide. Symbole de la Grande Dépression des années 1930, cette photographie est devenue l’une des plus connues au monde.
On est donc en 1932, l’Amérique est en reconstruction en pleine période de Grande Dépression, qui fait suite au krach boursier de 1929. Sur cette photographie, on peut admirer une vue aérienne de Manhattan où l’on aperçoit Central Park se dégageant de l’espace urbain. Longtemps, j’ai contemplé cette photographie en frissonnant face aux risques pris par les ouvriers pour construire les gratte-ciels New-Yorkais.
Cette photographie n’est pas un one shot. Il existe plusieurs plans et perspectives différents de ce même déjeuner, comme “sieste sur une poutre” (Resting on a grider).
Mais aussi ces deux-là :
Toutes ont été prises dans les dernières semaines de la construction du 69ème étage. Malgré ce que l’on imagine, ils ne risquaient pas de tomber des 240 mètres où ils se trouvent, car l’étage en dessous était déjà réalisé. Ce qui semble logique bien-sûr, mais je n’y ai pas pensé. Pour moi, ils étaient simplement au-dessus du vide.
« Déjeuner en haut d’un gratte-ciel » (Lunch atop a skyscraper) a été, à l’origine, prise pour une publicité afin de promouvoir la location de bureaux du Rockfeller Center !
Si on ne connait pas l’identité de tous les hommes installés sur la poutre, on sait qu’ils étaient réellement des ouvriers, travailleurs immigrés anonymes qui ont construit l’Amérique. C’est cette part de mystère qui a rendu cette photographie mythique.
On raconte que le cinéaste Séan Ó Cualáin, a vu la photo sur le mur d'un pub de Galway avec une note d'accompagnement, qui disait : "Voici mon père à l'extrême droite et mon oncle à l'extrême gauche." La curiosité d'Ó Cualáin l'a emporté. Il a demandé au barman s'il pouvait être mis en contact avec celui qui avait écrit la note. Le barman s'exécuta et, ce soir-là, le cinéaste était au téléphone avec Pat Glynn, le fils d'un émigrant irlandais, qui prétendait que son père était l'un des hommes sur la poutre. Après une enquête, le cinéaste a confirmé que l'homme qui tenait la bouteille était le père de Pat, Sonny Glynn, et que l'homme à l'extrême gauche était Matty O'Shaughnessy, son oncle. En 2012, deux autres ouvriers ont été identifiés comme étant Jospeh Pocker et Joe Curtis. La plupart des ouvriers étant immigrés et travaillant sans papier sur le chantier, leur identité est difficile à prouver. Un autre est en cours de reconnaissance, c’est Natxo Ibargüen, un jeune basque espagnol (deuxième en partant de la gauche, celui qui allume la cigarette de son collègue).
Bien que certains des hommes sur la photo restent anonymes, il est clair que la plupart d'entre eux étaient des hommes qui ont voyagé en Amérique dans les années 1920, avec le rêve d'une vie meilleure. Quant au photographe ? Eh bien, cette photo n’est pas créditée ! Elle n’est attribuée à Charles Clyde Ebbets que depuis 2003. Serait-ce simplement imaginable aujourd’hui ?
J'adore ces histoires de gens partis à la conquête d'un nouveau monde et d'une autre vie. Ces grands rêveurs qui prennent un autre chemin parce qu'au fond d'eux, ils savent que c'est celui-là. Ce n'est pas un caprice. Ils répondent à un besoin viscéral. Les hésitations sont derrière, les questionnements sont enfouis sous un mouchoir au fond de la poche. Les autorisations ? Il n'en ont pas besoin, ils sont maitres de leur destin.
Il n'est pas naïf celui qui s'en va. Il n'est pas irraisonnable non plus même si la certitude intime n'est pas toujours comprise par les autres. C'est une fulgurance. Une évidence. Remettre de l'ordre dans son chaos.
J'imagine leur départ : l'espoir chevillé au corps, la traversée de l’Atlantique, l'arrivée sur Ellis Island, le tri des arrivants, les croix dessinées dans le dos à la craie blanche, le sol qui tangue encore malgré la terre ferme sous les pieds, la nausée qui s'évanouit lentement, la cohue, le bruit, le froid, la nécessité de trouver un travail avant même de savoir où dormir. J’entends les langues qui fusent de toutes part : l'espagnol, le basque, l'irlandais, le hollandais, le polonais ou l’italien. Et puis, la vie que l'on construit, les souvenirs d'avant qui s'attardent, et s'émoussent, qui disparaissent au fur et à mesure que l'anglais ou plutôt l'américain prend sa place.
Continue t-on à rêver dans sa langue natale quand on vit dans un pays étranger ?
Et je pense à ceux restés au pays qui ont un oncle en Amérique. A t-il donné des nouvelles, envoyé une lettre, une photo ou bien a t-il tiré un trait sur un impossible retour ?
Ce qu’en pensent les copines
Emmanuelle : Oh oui, j ai plein de photos « précieuses », une c est celle d un photographe d ici, 2 jeunes au bord d une plage Océane, sur un blockhaus, je ne sais pas pourquoi, j ai eu un coup de cœur, ou un coup au cœur… et une autre, de moi sur une plage (décidément toujours l eau…) à 17 ou 18 ans. Ça pourrait paraître hyper narcissique mais en fait cette photo évoque à elle toute seule toute cette époque. J avais un grand sourire et je me souviens parfaitement du moment où elle a été prise. Bref, les photos sont essentielles pour moi. Et comme toi je peux bloquer de longues minutes dessus 😉 celle avec les jeunes sur un blockhaus n est pas de moi. Figures toi que des photographes exposaient sur une espèce de parcours au bord de l eau , chez moi, ou je faisais mon footing. Je suis tombée en arrêt devant cette photo et elle m à obsédée jusqu à ce que je retrouve le photographe (j avais retenu son nom tout le reste de mon footing 😂), du coup je l ai achetée. Là elle est dans ma chambre et je ne m explique toujour
Marielle : J’aime celles de Yann Artus Bertrans
Marie Aline : Et enfin , je rêverai d’avoir un des portraits de l’album couleurs de l’Inde de Steve MacCurry ( photographe magnum ). Et puis j’aime bien aussi certaines photos de Yann Arthus Bertrand .
Céline : J’ai vu une exposition des photos de Véronique de Viguerie. Je les trouve très parlantes.
Merci aux nouveaux venus ! Je vous embrasse, à la semaine prochaine,
Nathalie
Moi je me souviens d'un album photo de ma mère où on voit un vieux vietnamien avec une barbe inimaginable .
Quand je voyage je rêve dans la langue du pays. C’est systématique. Et parfois je ne la comprends même pas 💫