Parfois, je me dis que je n’aurais jamais dû commencer. Ne pas ouvrir le Petit lion astronaute que ma mère avait déposé sur ma table de nuit, ni feuilleter le Télé 7 jours qui squattait la table basse du salon, ne pas pousser la porte de la librairie Bonhomme à Villeneuve sur lot, ni aucune autre où j’ai acheté tous les livres qui sont entrés dans ma vie. Ça m’aurait évité de pleurer en lisant Vie et mort d’un cochon de Grégory Peck, de me prendre pour Fantômette, Alice détective ou La petite Fadette. De gambader dans Les vergers de Kandahar avec Assad, de hurler à l’injustice en découvrant La case de l’oncle Tom et de m’inquiéter pour Anne Franck en lisant son journal. Il aurait peut-être mieux valu que personne ne me mette sur la route d’Agatha Christie, de Colette ou d’Henri Troyat. De Carlos Ruiz Zafon ou de Delphine de Vigan.
Voilà, il fallait bien que je le dise : je n’aurais jamais dû commencer à lire.
Parce que lire est une addiction. Au même titre que l’alcool, la cigarette ou la drogue. Plonger dans une histoire, en tourner avidement les pages, c’est l’assurance de recommencer dès qu’il sera terminé.
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire des livres d’histoire nous permettrait de ne pas réitérer les erreurs du passé, alors qu’il n’y a rien de plus drôle que de recommencer à les faire. Non ?
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire prend trop de temps, et le temps c’est de l’argent, alors qu’on n’est pas payé à lire. Enfin, la plupart d’entre nous en tout cas.
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire ouvre l’esprit et fait se poser des questions, sur notre environnement, sur la société, sur soi-même aussi. Lire nous fait découvrir d’autres cultures et d’autres façons de penser, et franchement, qui a envie de sortir de sa zone de confort ? Qui ?
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire permet d’augmenter ses connaissances et non, merci, c’est quoi cette idée de continuer à apprendre alors qu’on n’a plus l’âge d’aller à l’école ?
Il ne faudrait jamais commencer, parce que c’est parfaitement inutile. Il paraît qu’on ne retient que 10% de ce qu’on lit, alors, à quoi bon ?
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire permet de voir plus loin et ça c’est vraiment dommage : on risque de perdre de vue son nombril.
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire augmente le vocabulaire et dans une société qui simplifie tout, où les acronymes sont légion les lecteurs ne pourront bientôt plus se faire comprendre.
Il ne faudrait jamais commencer, parce qu’il peut y avoir des dommages collatéraux. Par exemple, il parait que ça aide à s’endormir. Ça aide qui au juste ? Parce que moi, pas du tout, j’ai toujours envie de tourner une page de plus.
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire réduit le stress et quoi de mieux que d’être stressé et de rester la tête dans le guidon ?
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire bloque l’accès aux toilettes. Aussi.
Il ne faudrait jamais commencer, parce que lire isole: les personnages des livres sont bien plus passionnants que nos proches et leur quotidien sans intérêt.
Mais, si je n’avais jamais commencé, je ne serais pas à Paris, prête à arpenter les allées du salon du livre demain. On s’y voit ?
Allez, je vous embrasse, à la semaine prochaine
PS: Désolée, pas de format audio cette semaine, je ne me voyais pas l’enregistrer, mes enfants dans la pièce d’à côté ;) et un peu tôt aussi, car je pars découvrir l’expo des femmes surréalistes au Musée de la vie romantique avec eux)
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Merci pour ces lignes dans lesquelles je me suis encore une fois retrouvée
Bonjour, cette addiction semble malheureusement laisser la place à d'autres addictions plus numériques et plus consuméristes chez la jeune génération... mais normalement ça revient toujours, l'addiction à la lecture!