J’aurais aimé avoir une illumination, genre : « Voilà, c’est ça, que je dois faire de ma vie ». Comme le chirurgien qui a soigné mon mari et nous a raconté faire ce métier parce que son père avait eu le même accident et n’avait pas pu être sauvé. Comme un ami devenu expert comptable après la faillite du sien ou comme ma fille qui a choisi son métier alors qu’elle avait trois ans. Mais voilà, aucune fée n’a jamais planqué dans mon berceau la moindre particule de vocation. Ou alors, elle était sous LSD et n’a pas su faire de choix.
Je n'ai jamais été d'une grande constance. Je suis la fille qui a commencé le ju- jitsu en octobre et s’est arrêtée en février, celle qui fait du violoncelle sept jours sur sept pendant sept ans et n'y a pas touché depuis autant de temps. Celle encore qui a exercé cinq ou six métiers différents dont certains ont à peine duré un an (juste histoire de comprendre que ça n'allait pas le faire du tout).
Je me lasse vite d’à peu près tout et j'ai une grande capacité à tourner la page. Je n’ai aucune constance ni discipline sur le long terme. Sauf pour mon mariage. À moins que ce soit lui qui fasse preuve de constance à mon égard. Je n’ai en outre aucune culpabilité à arrêter quoi que ce soit.
Depuis ma plus tendre enfance je suis un schéma, toujours le même : je découvre une activité ou un sujet, je creuse, le plus souvent de façon autodidacte, le plus souvent de façon obsessionnelle. Je deviens super calée sur la question. Incollable. Cet attrait dure sept à huit ans. Et puis, j'arrête.
J'ai fait du théâtre et lu une quantité de pièces incroyable, de Molière à Samuel Beckett, de Tenesse Williams à Feydeau. À cette époque je lisais tout sur le théâtre : les essais, les biographies, les articles. J’écoutais des interviews (les Podcast n’existaient pas encore). Je voulais tout savoir. Dès que le mot “théâtre” apparaissait quelque part, je ne voyais que lui et j’ai allègrement détourné mon devoir de philo du bac selon l’angle théâtral. Je connaissais des tirades entières et j’étais capable, quand on m’en citait une, d’embrayer sur la réplique suivante. À cette époque, j’ai pensé que c’était ça, ma vocation : faire du théâtre ou être metteur en scène. Mais un jour, j'ai arrêté. Je ne suis plus jamais remontée sur une scène de théâtre. Pire, je n’y vais que (très) rarement.
On m'a alors dit " si tu as besoin que quelqu'un te pousse pour continuer, c'est que ce n'est pas ta voie." C’était mon papa, il avait forcément raison. Don't act, ce n'était pas ma voie.
Le schéma s'est reproduit à diverses occasions au cours de ma vie : pour mes études d'histoire de l'art (incollable sur la peinture contemporaine, les musées et les artistes), puis l'éducation (incollable sur l'éducation bienveillante 20 ans avant qu'elle ne soit à la mode), vint le tour du bien-être au travail au sein de notre entreprise (toujours bien avant l’heure).
Il y a tant de sujets intéressants, comment font les gens pour se contenter d’un seul ?
Chaque découverte a laissé une empreinte en moi, et les strates sont nombreuses : l’équitation, le théâtre, la plongée sous-marine, la peinture, la philosophie, la lecture, le violoncelle, la musique classique, la psychologie, la cuisine, le coaching, l'adoption, les Philippines, la déco, le cinéma, la littérature, les enfants, la guerre d’Espagne et l'écriture...
Ce n'est pas de ma faute, c'est que tout m'intéresse et je suis pratiquement certaine que n’importe quoi peut m’intéresser, de l’élevage d’escargot à la création de produits de beauté avec des olives, la formation des vagues, le paléolithique ou la langue basque …
De temps en temps, une petite voix au fond de moi me demande "mais, en fait, Nat, c'est quoi qui t'intéresse vraiment ? C'est quoi ta VOCATION ?"
Va voir ailleurs si j’y suis, que je lui réponds à la petite voix, j’en ai bien assez avec Hubert, mon syndrome de l’imposteur. Pourtant, certains jours, elle me pousse à m’interroger : faut-il forcément une vocation pour être, voire devenir ? Sans vocation, a-t-on une mission ? Sans mission, peut-on s’épanouir ?
Mon papa en avait une de mission. Un sacerdoce. Il m’a toujours dit “quand on trouve sa vocation, tout roule dans la vie !” C’était flippant, parce que moi, il n’y avait rien à faire, je ne la trouvais pas cette fichue vocation. Je passais allègrement de l’une à l’autre en virevoltant. Alors, avec mes enfants, j’ai pris le contrepied. Je leur ai toujours dit que l'important dans la vie c'était de rebondir. D'être malléable. De trouver son bonheur, ou du moins un petit bout de son bonheur, n'importe où. Qu'un jour il pouvait être là, mais le lendemain ailleurs, que c'est ça, la vie. Il faut avancer, utiliser toutes les cartes qu'on a en main, changer d'angle de vue, jouer du piano avec le nez ou écrire aux toilettes, regarder ailleurs, de l'autre côté de la barrière, et créer des intersections entre les univers. Parce que c'est dans ces intersections que se trouve l'Idée.
Bien sûr, il n’y a aucun mal à s’épanouir dans une seule et unique carrière, c’est juste que je n’y arrive pas et la plupart du temps, je les envie, ceux qui portent leur vocation en bandoulière et un sourire épanoui sur le visage.
iÇa fait près de vingt ans que j’écris maintenant mais seulement sept que je cherche à en faire une activité à part entière. J’arrive au seuil de toutes mes autres fins. Alors, les jours d’angoisse, pour me rassurer, je me dis que changer d’objectif n’est rien d’autre qu’une aptitude et qu’elle porte un nom : ça s'appelle être multi-potentialiste.
Être multipotentialiste, c’est quoi ?
C'est en 1972 que le psychologue Ronald Frederickson donne naissance au concept de multipotentialité. Selon lui, une personne multipotentialiste est “quelqu'un qui peut être qualifié sur un certain nombre de sujets lorsque son environnement lui en donne la possibilité”
“Qu’est-ce que vous voulez faire quand vous serez grand ? ”
Cette question donne souvent des sueurs froides aux ado moi en particulier. Parfois, on sait répondre à cette question et on arrive à son objectif. C’est le cas de ma fille ainée, mais franchement je crois que c’est la seule personne que je connais qui a décidé à l’âge de trois ans de ce qu’elle serait plus grande sans jamais changer d’avis une seule fois, et qui, près de trente ans plus tard, exerce le métier de ses rêves (c’est super reposant pour sa mère). Je mets une vidéo si vous voulez comprendre ce que signifie être multipotentialiste.
Ça se traduit comment ?
J’ai mis beaucoup de temps à comprendre mon mode de fonctionnement et il a fallu que quelqu’un pose le doigt dessus pour que j’en prenne conscience. Comment ? Tous les gens ne réfléchissaient pas comme ça ?
Chez moi ça se traduit par une réflexion rapide, voire ultra rapide. J’ai un mode de pensée en arborescence, comme si j’avais une carte mentale dans le cerveau qui tourne autour de mon sujet et c’est comme si tout se mettait en place dans ma tête, à mon insu. Je peux procrastiner longtemps, mais quand je m’y mets, je plie le tout en deux heures maxi, pile au bon moment, et le plus souvent il n’y aura rien à redire. Je suis curieuse, adaptable et autonome, je ne crains pas de m’aventurer sur un terrain inconnu (c’est juste que dans ces cas-là, Hubert, me fait chier un bon moment), et j’aime apprendre.
Le problème majeur dans mon mode de fonctionnement, c'est que j'arrête. Et quand j'arrête je ne reprends pas. Jamais. j’arrête parce qu’arrive toujours le moment où je m’ennuie et une fois qu’il me semble avoir fait le tour de la question, c’est fini. Terminé. Remballez c’est pesé.
Dans la vie ce n’est pas un réel problème mais dans la vie pro, si : ce n’est pas parce qu’on a fait le tour de la question qu’on va changer de poste. Heureusement je suis mon propre patron et je navigue entre mes différents centres d’intérêt sans avoir à me justifier. Comment expliquer à quelqu’un d’autre que j’ai été prof, étalagiste, décoratrice, responsable de communication, DRH, formatrice, écrivaine ou éditrice externe ou coach littéraire ?
Et vous, vous êtes-vous déjà posé la question ? Êtes-vous multipotentialiste ou avez-vous une vocation chevillée au corps ? Racontez-moi...
Je me reconnais totalement, mais cela ne fait pas si longtemps que j'ai compris mon fonctionnement. Et c'est ce que je trouve génial avec l'écriture : se passionner pour un sujet, faire des recherches, creuser, tout apprendre, écrire, et hop on recommence le processus !
C est soit le terroir soit le millesime?🤔
Commerciale, responsable marketing, responsable grands comptes, vigneronne, enseignante, directrice de CFA, responsable frais généraux, directrice du développement, reflexologue, maître REIKI, sophrologue… et pourtant pas si vieille 😂😂😂😘