Chère lectrice, cher lecteur,
Dans les résolutions de début d’année que je n’ai pas faites, j’avais prévu de ne pas botter en touche à la moindre occasion en ce qui concerne la rédaction de la newsletter. Sauf que, d’habitude, je connais le sujet le lundi voire, au plus tard, le mardi, je la rédige le mercredi, la relis le jeudi et la publie le vendredi.
Bonjour,
Je suis Nathalie LONGEVIAL, romancière, éditrice externe et coach en écriture. Bienvenue dans ma newsletter : “Vous avez du courrier from Baiona with love”. Nous accueillons aujourd’hui parmi les abonnés à la newsletter : Alizée, Mélanie, Myriam, Carole et Patrice.
Il est 8h47, vendredi 24 janvier, et je n’ai pas encore écrit une ligne.
J’ai trouvé le sujet hier, dans la voiture, sur le trajet de retour, mais bon, un sujet ne fait pas la newsletter, n’est-ce pas ? Et ce, même si j’ai une grande capacité à déblatérer par écrit sur à peu près tout et son contraire...
Sur la route, j’en ai parlé à une de mes filles qui m’a envoyé illico presto une vidéo de Camille Chamoux qui abordait le sujet sur Europe 1 (Je vous laisse taper dans votre barre de recherche, car je n’arrive pas à mettre le lien). En gros, elle y dit que, aller chez les parents, c’est OK, quarante-huit heures max, parce qu’après, tout part en vrille. Les enfants bousillent l’écosystème des parents, et vice-versa.
Or, j’ai passé quatre jours avec ma mère. Pas chez ma mère, avec elle. Seule, sans aucun de mes enfants, sans mon époux et sans mes frères et soeurs. J’ai 56 ans et ça ne m’était jamais arrivé. Bien sûr, j’ai déjà passé une nuit chez elle, sans eux. À l’occasion d’un salon du livre dans sa région par exemple, ou lors de la maladie de mon père, mais guère plus. Il faut dire que j’ai eu ma première fille à 22 ans, ma mère en avait 42, elle était active et je venais à peine de m’affranchir de mes parents, ce n’était pas pour passer des vacances avec eux, ou plutôt avec elle, puisqu’ils avaient divorcé. J’ai enchaîné mes trois enfants. Un tous les cinq ans, puis quand la dernière a eu douze ans, le quatrième est arrivé, ce qui fait que j’ai toujours eu l’un d’entre eux avec moi.
Elle et moi n’avons pas la même façon de vivre, je pense que nous n’avons pas non plus la même vision de la vie. Chez elle, tout est planifié, pour moi, c’est plutôt “tiens, si on partait tout à l’heure”. Nous n’avons pas les mêmes goûts non plus, sauf en littérature. C’est grâce à elle que je lis beaucoup et nous échangeons régulièrement sur nos lectures respectives, elle me fait découvrir des autrices (Rosamund Pilcher) et moi Lucinda Riley. Mais le problème avec ma mère, c’est qu’elle ne s’embarrasse pas. Elle dit ce qu’elle a à dire. Le plus souvent sans filtre. Même quand tu ne lui demandes pas son avis. Surtout quand tu ne veux pas qu’elle te le donne, d’ailleurs. C’est sans doute le problème avec les mères. Moi, y compris.
En 2022, quand nous avons acheté notre petite maison sur la Costa Brava, j’ai su que je devais l’y emmener. J’avais envie de lui faire connaître la région où j’avais trouvé mon paradis, positionné légèrement plus bas sur la carte que Port LLigat et Roses, où elle passait ses vacances de jeune adulte.
En 2023, la casita était en travaux. En février 2024, elle s’est cassé la jambe. C’était ballot, car pour arriver jusqu’à la maison, il fallait gravir 36 marches de toutes hauteurs et pas toujours plates. Nous avons donc patienté, reculé pour mieux sauter dirait-elle, ou pris un sursis, puis, janvier 2025 est arrivé à son tour. Sa cheville la faisait encore souffrir, mais je savais que si je repoussais une nouvelle fois, c’était mort jusqu’à l’automne, au moins. Alors, j’ai fermé mon agenda, rayé tous les rendez-vous que j’avais moi-même fixés, fermé mon ordinateur, affiché une liste de repas sur le frigo, fait les courses en conséquence, refusé sa proposition de décaler le voyage pour cause d’épreuves non reçues et nous sommes parties.
Rares sont les fois où je voyage sans radio ni audio livre. Pour conduire, j’ai besoin d’entendre des conversations au risque de m’endormir. D’avoir un bruit de fond continuel. Pourtant, je n’ai appuyé sur aucun bouton et on a parlé. De tout et de rien. De la vie, la sienne et la mienne, de ses névroses, ai-je abordé les miennes ? Sans doute. Nous avons débattu du temps qu’il faisait sur la route. Avec ma mère, nous parlons souvent du temps qu’il fait. C’est d’ailleurs toujours par cette question que nous commençons nos conversations téléphoniques. Avant de l’appeler, je me sermonne : bon, aujourd’hui, ne parle pas de la météo… et paf ! La question “quel temps vous avez aujourd’hui” franchit toujours mes lèvres. Nous avons abordé des questions philosophiques (à quel âge on voudrait mourir, quel est l’endroit où l’on se sent chez soi, qu’allions-nous manger puisque la plaque de cuisson était en panne, comment choisir le Coulommiers, quels sont nos biscuits Kambly préférés ?), nous avons écouté les bruits inquiétants de la voiture (c’est bizarre on a envie de passer une vitesse pour elle, m’a dit ma mère)(j’ai une automatique) et j’ai prié pour réussir à ouvrir la porte de la maison (j’ai un problème avec les serrures).
Je l’ai installée dans la grande chambre dont la vue donne l’impression d’être dans un bateau. Le premier jour, malgré nos quatre heures de route (+ une grosse demie-heure de bouchons à Toulouse) et nos courses au Jodofí (jamón, cogollos, sangria, anxoas y queso), nous avons trouvé le moyen de faire plus de quatre kilomètres à pieds. Elle m’a demandé combien de marches elle avait monté et descendu, parce que c’est ce qui reste le plus difficile pour elle, mais mon téléphone ne proposant pas l’option, j’ai répondu : “au moins une centaine.”
Au bout de nos quatre jours, je suis heureuse de noter qu’aucun écosystème n’a implosé. Nous nous sommes calées, l’une sur l’autre, avec facilité. Nous avons évoqué quelques sujets qui auraient pu fâcher sans que cela se produise, nous avons mis de l’eau dans notre vin, pardon, dans notre sangria. Nous avons vécu sur un tempo moderato, nous nous sommes couchées avec les poules et levées après le soleil, nous avons rigolé et elle a freiné virtuellement plus d’une fois lorsque je conduisais (surtout après le restau du mardi, où la sangria était extrêmement corsée). C’était un moment tranquille, doux, sans brouhaha parasite.
Ma décision de passer quatre jours avec ma mère n’était pas si ambitieuse que ça finalement, et je suis fière et heureuse de l’avoir fait.
Je vous embrasse
Nathalie
PS: la liste des repas sur le frigo n’a pas du tout été respectée et le frigo est plein. Mais qu’ont-ils mangé ?
PS2: pendant ce temps, mon fils a fait de l’auto-stop … mais ceci est une autre histoire…
Message personnel : votre grand-mère n’a volé aucun sous-bock ;)
Ce qu’en pensent les copines
Cécilia : J’avoue qu’en lisant ton post, je me suis dit que ça ne m’avait jamais effleuré l’esprit de partir quelques jours avec ma mère…
J’adore ma mère, mais nous avons des visions de vie bien différentes… des façons de vivre pas très compatibles…
Je me demande si je pourrais faire ça.
je vais y réfléchir ?
Et elle aurait-elle envie de ces quelques jours avec moi ?
Et aller un questionnement de plus à mon actif !
Je me dis aussi que le temps à passer avec elle devient précieux…
Sophie : Joker cette fois sur ce sujet…
terredeuxsèvres : Ouille le sujet est très à vif cette semaine pour moi ! alors comme à chaque fois que j’ai une contrariété, je me figure que je ferme la porte et je la ré ouvrirai sur le sujet uniquement quand j’aurai pris assez de recul pour que le sujet soit moins douloureux.
Patrice : Dès que je passe deux jours chez elle, je redeviens un môme de quatorze ans, immature et boutonneux.
Emma : ça fait des années que je ne parle plus à ma mère, alors partir avec elle, même pas en rêve !
Quelle belle newsletter pleine de sagesse. Tu dois te sentir chanceuse d’avoir fait cela. Comme Emma, je passe mon tour sur le sujet 😞
J'ai perdu ma mère il y a 10 ans mais je me souviens qu'avec mon premier salaire, nous sommes parties toutes les deux une semaine en vacances à l'hôtel en parcourant 2000 km à travers la France. Nous avons réitéré l'expérience plusieurs fois mais le tout avant que je ne sois mariée (tard) et que j'aie ma fille.
Je ne pense pas qu'on aurait pu se supporter aussi longtemps sur la fin mais 4 jours auraient probablement été possibles. J'espère. J'avais accumulé beaucoup de défauts les dernières années alors que j'étais celle qui s'occupait de tout et gérait son quotidien. Mes soeurs et frères lui montaient bien le bourrichon au téléphone et avec ma mère, c'était toujours le dernier qui avait parlé qui avait raison. Pourtant, nous avons été très très proches pendant la majorité de ma vie.