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Me souvenir des belles choses, c’est un de mes mantras. Une règle de vie. Une façon de construire le bonheur : j’essaie de prendre conscience des choses qu’il ne faudrait pas oublier, parce que force est de constater que j’ai une mémoire sélective, voire très sélective qui se rapproche trop souvent d’une jolie pièce de dentelle.
Je ne sais pas ce qui préside à la formation des souvenirs. Dans quels plis et replis de la mémoire se cachent-ils pour ressortir, parfois à l’improviste, d’autres fois à l’occasion d’une réflexion sur un tout autre sujet ?
J’aime les feuilleter, souvent le dimanche soir, bien calée dans mon canapé, alors, je voyage dans mes souvenirs : les arbres qui se balancent dans la pinède dans le soleil couchant, l’odeur d’une tarte à l’oignon qui cuit au four, le clapotis de la mer contre les rochers, la lune qui plonge dans la méditerranée, un lever de soleil derrière la moustiquaire, ses doigts sur ma peau, les bateaux rangés dans le port, une chanson espagnole qui donne le tempo, une femme qui secoue sa nappe par dessus la rambarde, les galets de la plage sous mes pieds, un miroir piqué, une ruelle cent fois empruntée, les enfants autour de la table et je réalise que nous vivons des moments rares. Je sais que je m’en souviendrai et malgré notre époque avide d’intensité et amoureuse du ici et maintenant, me souvenir de ces petits riens me semble essentiel.
Des souvenirs fondateurs
Le premier dont je me souviens est coloré. Je suis dans une chambre, sur un lit, couchée sur le dos. Mes parents sont penchés sur moi et changent ma couche. Le lustre au-dessus d’eux est en verre orange. Ils se moquent gentiment de moi, ou bien ils sont étonnés, je ne sais pas, je n’ai pas les codes à cette époque-là pour décrypter ce qu’ils pensent.
Oui, je sais, vous allez me dire que c’est impossible, je ne peux pas avoir un souvenir aussi ancien … et pourtant il est très présent dans ma mémoire. Il y a l’odeur de la pièce et le frisson qui me parcourt quand maman passe le gant mouillé sur mes fesses. Ce qui les étonne, je ne le découvrirai que des années plus tard, et pour des raison de confidentialité, vous devrez me croire sur parole.
Mes bons souvenirs sont de «merveilleux bijoux» que je ramasse en avançant sur le chemin. Ils ne servent pas seulement à être remémorés pour le seul plaisir, ils sont aussi une façon de mesurer mes avancées, d’évacuer le stress, dans l’idée que, si j’ai réussi une fois, j’y arriverai encore. Ils me permettent aussi d’éloigner les pensées sombres. Ils me servent également quand je tisse la toile de mes personnages dans mes livres, car, comme l’araignée, tout vient de moi et souvent de façon totalement consciente. Les souvenirs me ramènent à l'essence de ce que j’ai vécu. Ils fondent mon identité.
Récemment, dans la casita accrochée à la falaise, nous avons mis les musiques avec lesquelles je réveillais les enfants pour partir à l’école, les bandes originales des films visionnés mille fois et les souvenirs, nos souvenirs sont remontés chez chacun d’entre nous : “dis, tu te souviens ?” Ce n’étaient pas les mêmes pour tous, mais avaient tous le même point de départ. On a ébauché les chorégraphies de nos films favoris, anticipant sur les pas et retrouvant les mimiques des acteurs. Je me suis amusée à les regarder, là, tous les quatre, grandis et tous différents, pourtant tissés par leurs souvenirs qui sont aussi les miens. À ce moment-là, c’était comme si on se berçait de ces moments réconfortants.
La «liste de mes souvenirs» est bien trop longue pour être énumérée, mais, comme Lou Doillon lors de l’enterrement de sa mère Jane Birkin, j’ai envie d’en commencer une. “Il y a Jane B et my Bonnie lies over the Ocean dans ma tête en boucle depuis dimanche, il y a les lettres d'amour de Jacques, entourées d'un ruban rouge que j'ai trouvées près de ton lit. Il y a ton mot près du mien, «Ma Lou sentinelle » Il y a toi qui faisais passer tout le monde avant toi, et des fois avant nous. Toi qui aimais ton public plus que tout, plus que tout. Toi qui appelle Olivier pour demander les dates de l'Olympia. Il y a Charlotte et Roman hier, nous, près de toi une dernière fois.”
Même si la nostalgie n'a pas la cote en nos temps d'immédiateté, je la chéris et la considère comme un moteur de l'estime de soi : il faut voir en elle l'idée que la vie est pleine de sens car elle s'appuie sur des expériences passées plutôt heureuses et gommer la sensation de regret qui surgit à l’improviste.
Et finalement, si les souvenirs, n’étaient pas ce que l'on a perdu, mais plutôt ce que l'on a gagné ?
Ce que les copines en pensent :
Malgré le temps des vacances, vous avez été nombreuses à répondre à ma question. Sujet brûlant sans doute…
Emmanuelle : Je collectionne mes souvenirs, je suis hyper attachée à tout ce qui remonte à ma jeunesse en Afrique notamment, j aimerais avoir un disque dur inaltérable en guise de mémoire…
Céline : Amnésique pour certaines périodes … et hypermnésique pour d’autres… pourquoi faut-il que ce soit si souvent les mauvais souvenirs qui s’accrochent ainsi ?
Andréa : Dentelle magique pour ma part. Alzheimer me guette…
Nathalie : Ma mémoire est très étrange. J'ai comme des flashes pour certaines choses, comme si je les avais vécues il y a à peine qq mois et pour d'autres rien du tout ...et puis je m'aperçois que que certaines mauvaises chose je les oublie vite, et certaines autres sont tenaces, alors que je voudrais tourner la page. Il faudrait que ces mauvais souvenirs soient là au moins pour me servir de leçon et bien non, elles sont juste là pour m'enquiquiner.😕
Mag : Moi, y a des trucs que j’aimerais fortement oublier !
Cécilia : Hypermnésique, même si j’aimerais oublier certaines choses …
Sandrine : Mes souvenirs, c’est un film émouvant.
Claude : Comme pour beaucoup de personnes ,certains souvenirs sont vivaces et les autres ? ...je ne sais pas… je les ai oubliés.
Céline : Très nostalgique, j'ai tendance à ne me souvenirs que des belles choses, mais à trop me projeter dans le passé. Y renoncer est toujours un regret (après)... je ne me souviens que trop bien de ce qui n'est plus...
Élisabeth : Les images avec le chant me donnent les larmes aux yeux .
Le sujet est brulant qd on vieillit. Est ce qu’il nous reste plus de souvenirs que de temps à vivre avec ceux qu’on aime et qui partiront bientôt ?
Bande originale
Parce qu’on me l’a beaucoup demandée, voici la chanson qui m’a servie à illustrer mon post IG qui annonçait la newsletter. Il s’agit d’une chanson de Luz Casal, Un año de amor, tirée du film de Pedro Almodovar Talons aiguilles.
La traduction des paroles de l’extrait : “(…) si maintenant tu t’en vas / tu découvriras bientôt / que les jours sont éternels et vides sans moi/ et la nuit, et la nuit / pour ne pas te sentir seul tu te souviendras/ de nos jours heureux et de la saveur de mes baisers.”
Magnifique et émouvante lettre !
❤️❤️