Chère lectrice, cher lecteur,
S’indigner c’est manifester de l'indignation, de la révolte.
Indigner (s') v.pr. Éprouver un sentiment de colère, de révolte.
En 2011, Stéphan Hessel, un vieux monsieur de 90 ans, écrivait une brochure de trente pages, vendue à plus de 80 000 exemplaires en quelques mois encourageant les jeunes gens à s’indigner. Ils ont pris ce conseil au pied de la lettre.
Bonjour,
Je suis Nathalie LONGEVIAL, romancière, éditrice externe et coach en écriture. Bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”. Nous accueillons aujourd’hui parmi les abonnés à la newsletter : Nadine, Clémence, François, Harmony, William, Sabine, et H (Hélène, Huguette, Hannah, Henri, Hermione ?)
J’ai l’impression que de nos jours, on s’indigne pour absolument tout. Alors, je ne dis pas, la plupart des combats sont légitimes. Vous ne me ferez pas dire l’inverse, mais moi, je suis d’une génération qui ne s’indignait pas d’avoir ses règles, même si elles étaient douloureuses, qui ne s’indignait pas qu’une migraine n’occasionne pas un arrêt de travail de sept jours minimum, ou que son mec n’ait pas nettoyé le support de sa brosse à dents électrique.
Attendez, en vérité, j’adorerai m’indigner, mais à part chez moi, je ne sais pas le faire. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui manquent. Le sort des migrants, celui des femmes, de la planète, des animaux les veilles de vacances, la guerre en Ukraine ou au Proche Orient, les délais de la MDPH pour répondre à un dossier de prise en charge, les poubelles alignées sur les trottoirs bayonnais (et les autres) qui empêchent le passage des gens à mobilité réduite, le nombre des pistes cyclables alors que les trottoirs sont ridiculement étroits, la disparition du civisme, les femmes oubliées de l’histoire et ceux que certains sont capables de leur faire subir, la différence de salaire entre elles et les hommes, le racisme ordinaire, l’injustice à topus les étages, l’existence de marques telles que Shein ou Temu . Bref, vous voyez, il y a matière à s’indigner (et j’en oublie sans doute.)
Quand je vois tous ces gens qui s’indignent, je me dis que j’ai loupé le coche. Refuser et protester contre une situation est l’essentiel premier pas vers l’engagement, mais il ne suffit pas. L’esprit de résistance ne suffit pas. On a bien compris que lever le poing et brandir des pancartes dans la rue ne fait pas tout.
Il y a un autre problème : s’indigner sur des plateaux télé, dans des podcasts, dans des vidéos d’une minute sur IG ou dans la rue, je ne sais pas le faire non plus. Pour cela, il faut extérioriser son émotion, mais la mienne est confuse, irrationnelle, débordante. Elle me fait bégayer, tourner en rond, redire dix fois la même chose.
Alors je me rassure en me souvenant que ce qui m’intéresse, c’est faire bouger les choses.
Alors, comment faire ?
Comme on ne peut pas se battre pour tout, il faut choisir ses combats, qu’il y ait, entre eux et nous assez de résonance et de sincérité pour se mouvoir. J’ai choisi l’axe féministe, social et pédagogique.
Par exemple, je pestais de la formation qu’avaient reçu mes collaboratrices, de l’image que la société renvoyait d’elles, et de ce fait, de la façon dont les clients se permettaient de les traiter. Il faut savoir que la plupart arrêtent l’école à la fin du collège. En sortant de troisième, quand t’es un garçon t’as le choix entre peintre en bâtiment, maçon, plombier, électricien ou mécanicien. Quand t’es une fille, c’est, soit esthéticienne soit coiffeuse. De plus, nos jeunes sont formés par des gens qui n’ont jamais été en entreprise ou qui l’ont quittée parce qu’ils n’obtenaient pas les résultats escomptés et ne savaient pas évoluer avec. Alors, à notre humble niveau, nous avons bougé les lignes. Former nos collaboratrices et les faire évoluer est devenu notre fer de lance. Petit à petit nous avons ouvert notre propre école et on a continué à oeuvrer. Oh, sans doute n’y verriez-vous rien d’extraordinaire, que du naturel. Pourtant ce sont des avancées qui m’ont apporté une grande joie comme d’avoir gommé l’écart de salaire entre hommes et femmes, dès les années 2000. Et puis, j’ai continué, à pas de fourmi. J’ai éduqué mes enfants dans le respect des autres, la gentillesse et les valeurs qui m’étaient chères (j’avoue que je ne leur ai pas fait un cadeau) cela va de trier ses poubelles avec minutie, éteindre la douche quand on se savonne, ne pas utiliser sa voiture pour moins de cinq kilomètres, cuisiner des produits frais et de la région à être respectueux des autres, parler en mesurant le poids du ton que l’on prend et l’impact des mots que l’on choisit, éviter de juger à l’emporte pièce et faire de particularités des généralités, s’instruire sur les sujets pour éviter que le dernier qui parle ait raison, regarder le vieillissement des corps avec bienveillance (de quelque côté que ça soit) et tout un tas d’autres choses. Parce que c’est ça, s’indigner activement : faire en sorte que les générations suivantes aient gravi un échelon et que certains sujets ne soient plus d’actualité.
Je vous embrasse,
Nathalie
À écouter : Comment s’indigner de Salomé Saqué sur France culture (il parait que ça s’apprend)
Illustration : Huile sur toile Inès Longevial.
Merci pour tes mots, je me retrouve tellement dans ce que tu dis - savoir que mon
Mec n’est pas le seul à oublier de rincer son support de brosse a dents me
Réconforte à un point que tu n’imagines pas!🤣. Moi je suis née en colère, et je bouillonne intérieurement du matin au soir , pour plein de trucs, mais je ne m’indigne pas vraiment. J’ai choisi l’éducation pour faire bouger les lignes . Non je ne milite pas en classe, mais je choisis soigneusement mes textes, je pousse a faire des recherches, à argumenter et à débattre , je documente, et j’affirme que la vraie liberté et le vrai bonheur appartiennent à ceux qui savent penser.
Comme je suis d'accord avec vous Nathalie. Il faut choisir ses combats et surtout essayer de faire bouger les lignes. Les pros de l'indignation, pancartes à la main qui ne font que passer un moment dans la rue pour se sentir exister et retournent à leurs habitudes sans rien changer m'horripilent.