Chères lectrices, chers lecteurs
On ne se rend pas compte avant de “s’expatrier”, à quel point les moindres petites choses du quotidien doivent être réapprises. Trouver une boulangerie, des médecins ou une librairie, des habitudes de promenade ou quelqu’un à qui parler relève parfois du parcours du combattant. Cela fait huit ans que nous habitons à Bayonne. Huit ans que nous avons pris cette décision un peu folle d’aller vivre ailleurs, loin des racines plantées depuis notre naissance et cela ne s’est pas fait sans heurts.
Bonjour,
Je suis Nathalie LONGEVIAL, romancière, éditrice externe et coach en écriture. Bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”. Nous accueillons aujourd’hui parmi les abonnés à la newsletter : Sandrine, Anita, Olivier, Julie, Sophie, Clémence, Fanny, Émilie, G, VHB, Annette et Sabine.
Jamais je n’avais imaginé que partir à trois-cents kilomètres de mon lieu de naissance, tout en restant en France, pouvait s’apparenter à une expatriation.
Un dépaysement, oui, mais un exil, fallait pas exagérer ! Une expatriation, au sens partir de son pays, c’était bien plus difficile : il y avait l’éloignement qui empêchait un quelconque retour en moins d’une demi-journée de voiture, la langue dont on ne comprenait pas le moindre mot, l’inconnu et l’impossibilité de rencontrer quiconque avec qui bavarder de tout et de rien. Un exil, c’était l’assurance de partir sans espoir de retour. Ça n’était pas mon cas, et pourtant …
Sur le papier, c’était l’endroit idéal. La plage à moins de cinq minutes en voiture, la montagne à trente, une culture riche et foisonnante, des restaurants plus qu’il n’en faut, des situations cocasses avec des gens qui marchaient dans la rue, en combinaison de plongée, pieds nus, une planche de surf sous le bras, et des médecins à foison, chose qui, de l’endroit d’où j’étais originaire, était le Saint Graal.
Ce que j’ignorais, c’est à quel point, il me faudrait tout réapprendre.
Les premiers temps, quand je rentrais dans un magasin et que j’entendais egun on, je ne savais pas ce qu’il fallait répondre. Un bonjour timide franchissait mes lèvres, pas convaincu de se trouver au bon endroit. Sur le marché du samedi matin, je me sentais gênée de demander un kilo de tomates quand les clients autour de moi demandaient avec une voix forte : eman al didazu kilo bat tomate, helduak al daude, et étaient servis systématiquement avant moi, ne me laissant que les fruits flétris que personne ne voulait. J’ai abandonné le marché, lui préférant l’hypermarché.
Longtemps, j’ai eu l’impression de me balader en touriste dans la ville. J’admirais les façades colorées, les volets rouges et verts, le cloître et la cathédrale. Je m’émerveillais du ciel rosé du matin et flamboyant le soir que je ne reconnaissais pas parce qu’ici, ce n’était pas chez moi.
Récemment, en passant à côté d’un groupe de touristes espagnols qui marchaient le nez en l’air, j’ai râlé. Ils m’empêchaient de passer. J’allais être en retard. C’est alors que j’ai compris : je ne regardais plus les petits balcons encombrés de fleurs, ni les croisillons sur les façades. Non, je voulais juste arriver à l’heure à mon rendez-vous. Première prise de conscience.
La deuxième a eu lieu alors que des amis venus passer un week-end m’ont demandé combien de fois par semaine j’allais à la mer. Je me suis rendue compte que je n’y étais pas allée de tout l’été. Le monde, les bouchons et puis la météo, leur expliquai-je, mais cela est-il vraiment une excuse ?
Non, je suis bien d’accord.
C’est que je ne vis plus en vacances. Je vis ici. Je travaille ici. Je ne suis plus une expatriée. Tout m’est devenu familier. Je connais les raccourcis et les restaurants où l’on ne me prendra pas pour une touriste à qui il est facile de refiler une sangria remplie de flotte. Et puis surtout, on me reconnait. Je peux dire bonjour le matin et qu’on me réponde à moi, Nathalie et pas à une simple passante. Ça aura pris du temps parce qu’ici, pas de cercle d’expats qui se délectent de petits fours et de coupette. Non, ici, les liens il a fallu les cultiver. Au jour le jour. Oui, ça vous parait stupide, mais pour moi ça ne l’est pas. Je ne suis pas d’un naturel extraverti et je passe facilement inaperçue, alors quand on me salue en me demandant de mes nouvelles, ça peut faire ma journée.
Grâce aux touristes espagnols, j’ai repensé aux premiers mois, quand je regardais Bayonne avec mes yeux émerveillés de nouvelle arrivante.
J’ai eu envie de retrouver la ville telle que je l’avais découverte, et étrangement, j’ai eu envie de retrouver aussi ce sentiment de ne pas être d’ici. Ce sentiment qui me faisait me dire que rien n’était grave, finalement, puisque je ne connaissais personne.
J’ai fermé les yeux. Mais quelque chose clochait. Je n’étais pas en short comme eux. Non, le short c’est pour les vacances ou le week-end et si je l’avais été, je me serais allongée sur le canapé pour faire une sieste. J’ai soufflé fort, me suis excusée en espagnol et j’ai laissé mes touriste en pâmoison devant le cloître. J’ai continué mon chemin, je ne suis plus expatriée.
Je vous embrasse,
Nathalie
PS : Merci pour vos messages la semaine dernière et pour les “ce que vous en pensez” que vous déposez sur Instagram. À l’heure où beaucoup de newsletters deviennent payantes (car elles représentent un réel travail) un like et un petit mot ne coûtent rien et sont de véritables soutien à mon travail. Merci.
Ce qu’en pensent les copines
Marie-Jo : Ho oui ! Dans le SO depuis 1981 et pourtant toujours d’énormes regrets d’avoir quittée ma région natale, ma famille (trop loin …) MES RACINES de la Champagne ! C’est la vie 🤔
Isabelle : Sentiment d'exil, dépaysement durable me sont étrangers.Ma vie, mes choix ont facilité un ancrage durable avec la capacité délicieuse d'être comme un caméléon dans tous mes ailleurs provisoires qu'ils soient géographiques ou littéraires.
Sonia : Oh que oui nous sommes partis deux ans vivre à la Réunion deux années magique je repartirai bien des fois ....
Gabrielle : Je ne le connais pas car je ne suis de nulle part… née en Angleterre (mais je n’y ai jamais vécu), fille de militaire qui déménageait au gré des mutations tous les 2 ou 3 ans… je n’avais jamais eu de racines. Jusqu’à aujourd’hui où je pense qu’elles commencent à pousser…
Claude : Dans la maison où je suis maintenant depuis 35 ans, je garde toujours la nostalgie de MA maison de cœur.
Isabelle : Je vis au même endroit depuis que je suis née et pourtant, je me sens parfois en exil. Merci pour vos newsletters.
Corinne : je ne suis pas exilée, je suis citoyenne du monde, européenne, française, bretonne, un peu parisienne aussi. Ce qui est important pour moi est de savoir qu'il y a un lieu dans lequel je peux aller me ressourcer quelques temps quand le besoin s'en fait sentir! Breizh ma bro !
Valérie : Ça me fait rire en effet et il me tarde de te lire demain. Ceci dit, moi qui suis revenue à Brive après 9 ans de Moscou, je me réadapte tous les jours… les gens qui n’ont jamais bougé sont tellement…….
Nathalie : Ma vie n'a été que déracinement. En dehors d'une longue trêve de 20 ans à Agen, j'ai déménagé plus de 20 fois et avec mes parents, le plus longtemps, où je suis restée reste Orléans. Du coup, difficile de se créer un réseau, des amis de longues dates avec lesquels j'aurai pu partager une partie de mon enfance, adolescence...jeunesse. Après cela a ses avantages, peut-être une facilité d'adaptation...mais j'avoue qu'aujourd'hui j'aimerai enfin me poser qq part . Des bizouxx
NOUR : Ma vie est un exil
Céline : C’est étonnant, je suis née en France, j’ai grandi en France, je suis bien en France, j’aime la France… mais quand je vais au Portugal, j’ai toujours ce sentiment de rentrer « chez moi »… le pays de mes parents, de mes grands-parents dans lequel je n’ai jamais vécu plus que quelques semaines, des semaines bien différentes de la « vraie vie », des semaines de vacances…
Caroline : Mon travail m’a amenée à vivre dans une ville à laquelle je me suis faite mais où je ne me sens toujours pas chez moi au bout de 20 ans et que je quitterai sans regret. D’un autre côté je ne me sens pas chez moi non plus dans ma région natale où j’ai vécu 25 ans et où je reviens encore régulièrement. Mais ce n’est pas un sentiment d’exil, je ne sais pas comment le définir !
Certaines remarques me font penser à mon arrivée en Corse, et ce qui peu à peu nous fait passer de "récente arrivée " à "installée"....Et ce que tu dis sur la plage m'a évidemment interpelée : j'attends pour y retourner que les "touristes" soient partis !!! ;)
Pour rien au monde je ne repartirai d’ici . Ma famille s’est créée ici , ma fille y grandit et tant qu’elle est ici ( un jour elle partira peut-être faire des études loin d’ici ) ici c’est chez moi.
Pourtant, en ce moment je subis l’exil loin de ma famille ( ma mère surtout , mes frères aussi ). J’ai des amis autour de moi mais quoi qu’on en dise , dans le quotidien d’une aidante d’un mari atteint d’une maladie neurovégétative , peu de gens peuvent t’aider comme le ferait ta famille. C’est peut-être une donnée qu’on ne prend pas assez en compte quand on part s’installer ailleurs et qui te rattrape cruellement quand tu y es confrontée.