Vous vous souvenez ? Si j’écris ici, c’est pour vous faire découvrir mon univers et ma plume. J’espère que ça fonctionne parce que dans un mois tout pile sortira “Rendez-vous à Héyo” dont je suis censée faire la promo.
Rappelez-vous : il y a quelques temps, je vous avais parlé des Hibiscus, l’histoire de notre première maison. Le prétexte était de raconter les lieux qui nous font et que l’on quitte. Qui nous hantent aussi. Parfois. On dirait que Le coup de foudre, ça serait la suite, d’accord ?
Nous empruntons un long chemin troué de flaques à l’intérieur desquelles sont prisonniers des morceaux de ciel. Il pleut des trombes, normal pour un mois de mars. Dans la voiture, le silence est entrecoupé par le raffut de la pluie qui efface les couleurs du paysage, comme un enfant gribouillerait son dessin au crayon à papier. De part et d’autre de la voie terreuse, des champs mouillés à perte de vue, un grand chêne à droite, un bosquet ou peut-être une mini-forêt, perchée sur un éperon rocheux et tout au bout, une ferme. La voiture avance prudemment, je la sens glisser et je serre les fesses. Je déteste cette sensation de perte de contrôle. Je me cramponne à mon siège. On bifurque à droite pour suivre le chemin tracé par le passage d’autres roues que les nôtres et nous garer sur ce qui fut, un jour lointain, un parking en bitume et qui ce jour-là est une pataugeoire.
La maison se dresse devant nous. Fièrement ? Non, pas vraiment. Elle accuse le coup et la météo ne lui fait pas honneur. On m’a toujours expliqué que si on a le coup de cœur pour une maison par mauvais temps, alors, elle ne nous décevra jamais. Je guette. Je voudrais reconnaitre les signes du coup de foudre : sentir mon cœur s’emballer quand je pose mes yeux sur le mur, qu’il se mette à battre à tout rompre parce que je serai tombée amoureuse de la couleur de ses pierres. Mais pour l’instant rien ne me vient et je doute. Je la regarde, elle ne se dérobe pas. Elle n’en fait pas des tonnes. Elle n’en a pas les moyens. Elle me jauge elle aussi, se demande si elle va pouvoir me faire confiance.
C’est une longère en pierres des champs, sans atour particulier. Ses carreaux cassés lui donnent l’air d’une vieille dame édentée. Une plaque de vulgaire contreplaqué lui sert de porte d’entrée. Contre les murs sont posées des tôles pour éviter que la pluie n’en détrempe le pied. Un amoncellement de parpaings, de poutres de bois et de choses non identifiées est déposé à l’angle de la maison. Non, elle n’est vraiment pas à son avantage. Des plantes poussent entre les interstices des pierres. Je devine de la valériane, plante connue pour son action sur les angoisses et le mauvais sommeil. Je ne sais pas s’il s’agit d’un signe, mais si tel est le cas, il est plutôt de bon augure. Je tourne la tête vers ce qui fait office de jardin et je devine à travers le rideau de pluie plusieurs arbres : un acacia qui frissonne, deux noyers au tronc tordu en grande conversation et qui semblent se moquer de nous, et un peu plus loin, un fringant figuier qui a été mis à l’écart pour une bêtise quelconque. Nous restons dans la voiture, abrités par le marronnier qui nous procure un silence apaisant.
Ce n’est pas aujourd’hui que nous la visiterons. On est venus seuls en suivant les indications d’une amie qui m’a entendu parler de notre future maison.
-Vous devriez aller voir celle de l’oncle de mon mari, elle est à vendre. C’est la maison juste en face de l’allée qui mène à chez moi. Il faudra peut-être déplacer les branchages qui empêchent l’accès, et puis, ce sera tout au bout, m’a-t-elle dit.
-Et si quelqu’un nous dit quelque chose ? j’ai demandé, sur un ton inquiet.
Je fais toujours très attention à ce qui est autorisé et à ce qui ne l’est pas : j’ai la hantise d’être prise en défaut et grondée comme une enfant de sept ans, surprise en train de chaparder des bonbons.
-Personne ne vous dira rien, ajoute-t-elle.
Au téléphone, j’explique l’aubaine à mon mari.
-Tu te rends compte, juste à côté de chez Evelyne, et dire qu’on en cherche une depuis si longtemps et qu’elle est peut-être tout près...
Ça aussi c’est une de mes habitudes : penser que la prochaine maison que nous visiterons sera la bonne. Question coup de cœur, je sais que je ne pourrais en avoir un que si la maison est en pierres. Pas de la pierre de taille, non et d’ailleurs je ne suis pas certaine de la mériter. Non, je voudrais simplement des cailloux posés les uns sur les autres et si possible pas trop loin de l’endroit où nous travaillons : je n’ai pas vocation à servir de taxi à mes enfants.
La maison de l’oncle du mari d’Évelyne se trouve à huit kilomètres du centre-ville. J’évalue le temps qu’il me faudra pour descendre ou remonter : quinze minutes de voiture en tout et pour tout les heures de pointe. Elle se situe sur la même commune que la maison que nous habitons en ce moment, ce qui pour de jeunes parents n’a pas de prix : on ne sera pas obligés de changer les enfants d’école ni de collège.
Je suis toujours au téléphone, mon mari reste muet. Je l’imagine en train de mesurer la portée de l’acte qu’il s’apprête à faire au regard de son emploi du temps minuté de chef d’entreprise. Calculer la probabilité que ce soit encore un flop. D’autant qu’il pleut.
-J’arrive et on y va, finit-il par dire.
Et on est là, devant la ferme. Je la regarde. Un rayon de soleil perce à travers les nuages et vient frapper l’unique carreau encore accroché à la fenêtre. Je connais des fées qui s’appellent Viviane ou Mélusine. Y en a-t-il qui s’appellent Évelyne ?”
Et vous, avez-vous déjà eu un coup de foudre pour une maison ? Hâte de vous lire à ce sujet !
Bonne semaine ! Je vous embrasse
9 Commentaires
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Pas encore mais j'ai un projet baratin et si on le réalise un jour je rêve d'une belle maison en pierre au milieu de nulle part avec une rivière proche mon coup de foudre je l'ai dans mes rêves 😉
Oui celle où nous sommes aujourd’hui. La dame de l’agence nous avait dit ce n’est pas votre secteur mais il faut que je vous montre celle ci, monsieur ne voulait pas, j’ai insisté pour qu’il m’accompagne, elle nous attendait au bout du chemin tout cabossé, il faisait très beau, j’ai même promis que je tondrai là pelouse s’il n’avait pas le temps, ce que j’ai fait les premières années (puis après il ne voulait plus me prêter son tracteur). Nous l’avons achetée ce jour là, sans même discuter le prix par peur que quelqu’un d’autre l’achète.