Bonjour et bienvenue dans ma newsletter : “From Baiona with love”. Je suis Nathalie LONGEVIAL, écrivaine, romancière et coach en écriture.
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Si vous me suivez depuis un moment, vous savez que de temps en temps, je publie ici des extraits de textes. Et surtout mes “Lettres d’amour comme un adieu” qui sont des lettres d’amour, comme le titre l’indique, pour mon ancienne maison. Je vous les avais partagés ici, ou là. J’ignore ce que je vais faire de ces textes, mais je pense qu’ils peuvent résonner en vous, que vous ayez quitté, ou pas, une maison bien aimée.
Pendant quinze ans, nous avons vécu dans une grande maison dans la prairie. C’est là qu’ont grandi nos trois enfants, là encore qu’est arrivé le quatrième, là que nous fêtions noël en juillet, que nous avons pleuré des morts, que nous regardé, atterrés, les images du Tsunami, du 13 septembre ou que nous avons été Charlie. Là que nous avons visionné cent fois Cars ou Coup de foudre à Nottinghill, là que nous avons organisé nos cinémas paradiso dans le jardin.
Un jour, c’était un quatorze février, nous en sommes partis. Et depuis, je pense à la maison. Je rêve d’elle. Je n’arrive pas à m’en défaire. Elle me colle comme un vieux chewing-gum trop longtemps mâchouillé.
À bien y réfléchir, je trouve cette nostalgie un peu ridicule. Nous n’y sommes pas restés quarante ans et n’avons même pas commencé à vieillir entre ses murs. Elle n’a pas eu le temps de devenir mon histoire, ni la maison de famille que j’avais imaginée où j’aurais accueilli mes petits-enfants et où j’aurais fait des confitures. Mais elle est toujours là dans un recoin de ma tête. Elle fait partie de moi. Elle a façonné celle que le suis.
En quittant la maison, je n’ai rien perdu d’autre que quatre murs et un toit. Et l’assurance de tout connaître d’elle, le moindre creux entre ses pierres, la tonalité de la lumière, chaque plante qui y pousse, de la valériane aux muscaris, le bruit des feuilles sous le vent et le son des gouttes sur le toit. Je m’obstine à penser que je n’ai rien perdu d’autre que quatre murs et un toit. Et la façon de commencer par la cuisine et de finir dans l’entrée quand je passe la serpillère, de pousser le volume de “Qui de nous deux*” à fond pour réveiller les enfants, de les regarder courir dans les hautes herbes au milieu des jonquilles et des orchidées sauvages, habillés en treillis. Non, je n’ai rien perdu que ces quatre murs et ce toit. Et un potager. La vision du jour qui se lève et qui se couche, une famille de chevreuils voraces pour voisins les plus proches, le silence et la nuit noire et nos déjeuners sous les grands arbres, le brouillard qui tapisse le fond de la vallée qui nous fait croire que nous sommes seuls au monde. Je n’ai rien perdu d’autre qu’une façon de regarder la vie.
On ne m’a pas mis devant une quelconque obligation de partir, on ne m’a mis aucun couteau sous la gorge non plus, personne n’a rien exigé. C’était un choix, dont je disais qu’il avait été réfléchi. Notre départ n’avait rien de précaire, ni de précipité : nous partions dans une autre maison. Cherchée pendant neuf mois, je l’avais aimée dès mes premiers pas dans l’immense entrée au sol en mosaïque, avec son escalier qui menait au vitrail sur le palier. Nous l’avions refaite à neuf, nous avions choisi la couleur des murs, la tonalité blonde du parquet. Nous avions accroché nos tableaux favoris et allumé les mêmes bougies aux mêmes senteurs. C’était la maison parfaite. Tous nos enfants y avaient leur chambre, même ceux qui ne vivaient déjà plus avec nous. Elle était radicalement différente de la précédente, condition sine qua non pour passer de l’une à l’autre sans faire de comparaisons incessantes. Nous avions choisi qu’elle soit dans une ville où les gens se retrouvaient chaque année pour faire la fête, elle était suffisamment proche de l’océan pour que je puisse le voir tous les jours si j’en avais envie. Voilà, elle était parfaite.
Nous allions oublier la grande maison dans la prairie. C’était une question de semaines, allez, peut-être de mois. Il fallait juste nous laisser le temps d’apprivoiser les nouveaux sons, le nouvel environnement et l’éloignement.
Cette nostalgie est ridicule !
Je pense aux femmes qui, en quittant leur maison, perdent en même temps leur couple, leur travail ou des enfants. Ces femmes qui changent de ville et doivent tout reconstruire. Moi ? Je n’ai rien eu à reconstruire, il s’agissait simplement de tourner une page pour continuer l’histoire.
Cette nostalgie un peu poisseuse qui me suit, est risible.
Depuis leur petite enfance, j’explique à mes enfants l’importance de s’adapter. Je dis rebondir. Je visualise alors une petite balle en caoutchouc noir qui rebondit avec un son sec. Une petite balle ne se pose pas de questions. Moi, si. Tout le temps. Et le petit vélo rouge qui m’accompagne et qui se planque dans ma tête m’entraine à intervalles régulier dans le grand champ où se trouve la maison. La nuit, il m’arrive d’y entrer par effraction, de constater les changements et de m’installer tranquillement sur le canapé.
La peinture sur les murs de la nouvelle n’a pas réussi à me faire oublier la pierre de la précédente. Depuis le jardin de ville, je ne vois ni le jour se lever, ni le soleil se coucher. La piscine n’est ridée que par le vent, alors que celle de la grande maison explosait en jets joyeux et bruyants chaque été. Je n’attends rien des cyprès, ni de la minuscule terrasse. Et la glycine n’a toujours pas fleuri.
Pourtant, je n’ai rien perdu d’autre que des murs et un toit.
Je vous embrasse,
Nathalie
Ce qu’en pensent les copines
Ariane : La première maison, celle que j’ai toujours connue, hante mes nuits parfois mes jours aussi. Est ce la faute du nom qu’elle porte « Monplaisir » qui ne laisse pas la place à ailleurs, je ne sais pas. J’ai le sentiment qu’une partie de moi est restée là bas et que sans elle, je ne suis pas la même, mais j’essaye de me dire que peut importe la maison, j’aurais été le petit gardien de nuit de ma famille en treillis et rollers. Quitter une maison, c’est une sorte de deuil, deuil de soi, d’une période et parfois même de certaines personnes..
Mais je veux croire que tout peut être pareil peut importe la maison ✨
Langarika : La maison est dans nos tableaux, nos bouquins,nos cartons. Elle est dans notre cœur, dans la manière dont nous l'habitons. J'adopte, j'apprivoise les lieux où je vis même ceux où je passe un très court moment.
Nathalie : Mes parents ont loué la même maison à Royan sur le front de mer tous les mois d’août pendant mes 18 premières années, c’est toujours « ma » maison et pèlerinage obligé dès que je suis dans le secteur. C’est comme un aimant. Je monte en courant l’escalier pour écouter le bruit de mes pas et me colle à la porte d’entrée qui est désormais fermée pour tenter d’humer l’odeur de l’entrée que j’ai d’ailleurs retrouvée cet été chez des amis à quelques km ! J’aime cette réminiscence des souvenirs heureux et j’ai sa photo dans mon tél🤪
Célia : Moi j'adore déménager car cela permet de faire du tri dans les souvenirs et c'est le meilleur remède contre l'accumulation !
Claude : Cela fait 34 ans que je suis dans cette maison mais je n'ai jamais pu oublier la 1ère, même sentiment pour la maison de la plage. Ça me brise le cœur de penser que je devrai les quitter un jour.
Elisa : Bonjour, une maison ou un appartement sont là pour nous accompagner un temps et quand ils ont terminé leur mission, on passe à une autre. Ça peut avoir du bon de changer et il faut se laisser le temps de construire des souvenirs ailleurs. Bonne journée.
Céline : Le sujet me touche d'autant plus que je ne fais pas le deuil de ma maison de famille que j'ai vendue en 2019. Depuis, j'ai le sentiment d'errer de lieu en lieu en cherchant la bonne place...
Nathalie : Je me sens étrange car je ne suis pas du tout attachée à ma maison... Pourtant je n'ai pas bcp déménagé. C'est une question à creuser sans doute 😂
*M
Quelle émotion à la lecture de ce texte ! Et cela me questionne, qu'est-ce qui me touche autant ? Je vis pourtant dans la maison de mes rêves, dans un lieu que j'ai choisi et dans lequel j'ai mes racines. C'est peut-être tout simplement ton talent à transmettre tes propres émotions ?
Comme ton texte me parle... mpi aussi j’ai laissé quatre murs et un toit , dans une region peu riante, dans une ville qui l’etait encore moins. Mais j’avais appris à aimer la rudesse de la vie là haut, le rouge des briques quise mariait si bien au gris du ciel, la douceur des nuages et le soleil dans le coeur des gens. Notre maison etait notre refuge . J’aimais que le rez de chaussée résonne des jeux des enfants, j’aimais le vestibule plein de la voue noire du jardin les jours de pluie, j’aimais la grande baie vitree et les carreaux de ciment, j’aimais son entree un peu de guingois et son allure autre de vieille dame digne qui m’oblgeait pourtant a « vivre dans les escaliers ». Nous sommes partis par choix , rejoindre une région qui nous tient à coeur et ou nous sommes heureux. Mais je proclamme que je n’aime pas la nouvelle maison, ue regrette le charme de l’autre... dans deux ans nous bougerons de nouveau , et je sais que je pleurerai les arbres du jardin , le calme et la praticité du quartier, la veranda et le salon plein d’ados , la clé dans la chatière qui permet a n’importe qui de passer â l’improviste , l’alternance des jours de calme et des week ends de tourbillon . Ce ne sont que des murs , et tellement plus !!!!